L’informatique est pleine de notions un peu abstraites, de systèmes virtuels, et il est très facile de perdre de vue que sous les abstractions, il n’y a pas la plage, mais des circuits en silicium. Lorsque j’enseignais au Tech à Yverdon (aka la Haute École Spécialisée de Suisse Occidentale), un exercice que je donnais aux étudiants était d’allouer un gros bloc de mémoire, et d’y écrire des valeurs, d’abord de manière séquentielle, puis de manière aléatoire. En théorie, il n’y a aucune différence entre les deux, en pratique, la second approche paralyse la machine.

C’est, à mon avis, une des choses qu’on ne voit pas à l’école, les choses qui ne marchent pas. Le système scolaire s’accommode mal d’exercices impossibles à résoudre. Un élément intéressant de l’univers de Star Trek est la simulation Kobayashi Maru, d’abord parce qu’elle représente un vaisseau au nom japonais crédible, mais surtout parce qu’elle met en scène un scénario sans issues, avec comme but de voir comment les cadets de l’académie réagissent dans ce genre de situation.

Peut-être à cause de cela, bon nombre de gens ne peuvent pas accepter que certaines approches, ne fonctionnent pas, et ne sont pas, par définition, des solutions. Au lieu de considérer une alternative, une autre direction, l’approche de ces gens est de redoubler d’efforts. Le manque d’intensité est la seule explication logique au manque de succès de l’approche…

La religion est évidemment l’exemple par excellence: malgré un volume de prières gigantesque, l’assistance des dieux invoqués est plutôt rare. Pourtant la solution proposée est toujours de prier plus et de taper sur les autres pour leur apprendre la vertu – une autre activité qui n’a pas non plus un track-record de succès.

Une version moderne du même acharnement est l’extension des autoroutes pour lutter contre la congestion. La traffic induit, Le fait que si on augmente la capacité d’un axe de transport, la demande augmente jusqu’à ce qu’il soit à nouveau saturé, a été observé pour la première fois en 1930, il y a presqu’un siècle. Depuis, ce phénomène a été vérifié maintes fois et validé par des études scientifiques.

Il y aux États-Unis des autoroutes avec plus de vingt pistes, tout congestionnées, mais les américains sont des gens acharnés, donc ils continuent à construire des voies, et à raser des voisinages complets¹ pour ce faire, car le problème c’est qu’ils n’ont pas encore construit assez, clairement c’est ça la solution. Comme dit le proverbe Shadok :

Il vaut mieux pomper, même s’il ne se passe rien, que de risquer qu’il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas.

En clair, cela signifie qu’ajouter des voies d’autoroutes pour réduire les bouchons ne marche pas. Pourtant il y a encore beaucoup de politiciens pour prétendre le contraire, que ce coup c’est différent, sans pouvoir expliquer en quoi, et des gens qui veulent les croire.