Réparations

Poupée réparée avec une pièce en impression 3D

Les personnes qui suivent ce blog auront peut être remarqué que je suis un bricoleur, une de ces personnes qui réparent les choses. Je ne peut pas prétendre être un bon réparateur, mais je parviens régulièrement à remettre en service l’un ou l’autre objet, même s’il s’agit en général de choses simples. Cela ne m’empêche pas de faire appel à un professionnel quand c’est possible, typiquement pour mon vélo.

En dehors de mon petit monde, le thème de la réparation est omniprésent, les lois right to repair sont en cours de discussions dans différent parlements, jeunes et vieux se lamentent qu’on ne répare pas assez. Mais je trouve qu’il y’a une grosse dichotomie entre les fantasmes de la société et la pratique. On peut passer des lois, changer la manière dont les objets sont conçus, cela ne changera pas certains aspect fondamentaux de la réparation.

D’abord une réparation, ça prend du temps, il faut comprendre le problème, mais aussi la nature de l’objet que l’on répare, sa structure, ses matériaux. Ça va plus vite si l’objet est très standardisé – comme par exemple un vélo – mais même là, on a des surprises, un vélo qui a un demi siècle n’est pas si rare. Ensuite il faut des outils, un endroit ; les bricolages sur un coin de table avec un couteau suisse sont parfois possible, mais c’est l’exception. Tout cela veut dire qu’une réparation va demander des sous. Si vos attentes sont qu’elle coutera moins que le double de votre salaire horaire, ce n’est pas une société durable que vous désirez, mais un retour à l’ancien régime.

Il est très facile de fantasmer sur la solidité des objets du bon vieux temps, mais cette attitude souffre de plusieurs biais, d’abord la nostalgie, évidemment, mais aussi le biais des survivants, les vieux objets qui nous entourent sont ceux qui ont survécu, et donc par définitions ils sont durables, peut-être pas intentionnellement. On a produit beaucoup de meubles durant l’ère victorienne en Angleterre, ils sont rarissimes, car fabriqués en papier mâché. Enfin il y a la question des attentes de l’objet. Les deux chevaux étaient des voitures faciles à réparer. On ne pourrait commercialiser une telle voiture de nos jours en Europe, car elle serait trop mauvaise (consommation, sécurité).

Une notion qui est souvent mélangée avec celle de réparation est celle de maintenance. Si les deux opérations se ressemblent superficiellement, au niveau de la conception de l’objet elles sont différentes, même s’il existe une zone ambiguë entre les deux. Une maintenance est quelque chose de prévisible, et implique qu’une partie de l’objet est consommable, c’est à dire qu’il a une durée de vie plus courte. Changer la batterie d’un téléphone mobile après quelques années est une maintenance. Le fabricant peut rendre cette maintenance plus ou moins facile, mais une maintenance plus facile ne veut pas dire un objet plus durable, rendre un composant comme une batterie accessible veut dire des trappes, des connecteurs, des charnières. Autant de pièces qui peuvent avoir elles aussi des pannes – la probabilité de panne d’un objet est le produit de la probabilité de défaillance de ses composants…

Les fabricants de montres mécaniques recommandent un service tous les 4 à 6 ans, cette maintenance n’est absolument pas accessible au commun des mortels, il faut un horloger qualifié et équipé pour le faire. Ce n’est pas si différent d’un changement de batterie dans un téléphone. Est-ce que les fabricant d’électronique en font assez ? Absolument pas ! Car cette maintenance devrait pouvoir être faite par n’importe quelle personne qualifiée, et pourrait certainement être simplifiée (et documentée), c’est d’ailleurs le propos des législations du droit à réparer. J’espère qu’elle deviendront la norme, mais cela ne voudra pas dire que l’on pourra remplacer la batterie d’un téléphone comme celle d’une lampe de poche. Il faudra un artisan, ou du moins une personne compétente.

Une autre idée importante est celle de modularité, d’avoir un objet composé de modules interchangeables, cela permet d’abord de ne remplacer qu’un module en cas de panne, mais aussi, on l’espère de pouvoir mettre des modules améliorés sans changer l’objet complètement. C’est une bonne idée, en théorie, mais comme le dit le proverbe La prédiction est un art difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir, une bonne modularisation implique de faire un pari sur quel module tombera en panne ou bien aura besoin d’être remplacé dans le futur. Évidemment, si la panne n’est pas conscrite à un module, c’est moins utile. C’est possible pour un vélo, mais on en fabrique depuis plus de 150 ans.

Je regarde régulièrement des vidéos de personnes qui remettent en état des ordinateurs des années 80. À l’époque, les ordinateurs étaient construit avec une certaine modularité, par exemple, certaines puces n’étaient pas soudées, mais montées sur socle, afin qu’elles puissent être changées facilement. Le problème, c’est que les composants qui sont le plus souvent défaillants sont les condensateurs, qui étaient systématiquement soudés au circuit imprimé. Souvent, le problème n’est pas la puce, mais le socle, et la solution consiste à le dessouder, le socle était plus un facteur de flexibilité durant la production qu’une réelle fonctionnalité d’expansion.

Regardez une vidéo d’une personne restaurant un objet mécanique, comme un étau, un problème récurrent est d’ouvrir les vis, qui ont rouillé : la pièce qui était censé rendre la maintenance plus facile et l’objet modulaire rend l’opération plus difficile. Les rivets sont souvent plus facile à ouvrir et refaire, car ils sont consommables. C’est la même distinction entre un connecteur et une soudure en électronique. Le connecteur requiert en théorie moins d’outillage, moins de compétences, mais ne rend pas toujours l’objet plus simple à entretenir pour autant.

Est-ce que cela veut dire que les réparations sont impossible ? Tout au contraire, certaines techniques comme l’impression 3D permettent de reconstituer des pièces, internet permet de trouver des informations et des pièces rares, et les législations right to repair pourraient avoir un impact très positif. Mais il ne s’agira pas toujours de réparations parfaites avec des pièces d’origines. C’est peut-être une bonne chose, après tous, les patch sur les jeans ont été à une époque à la mode. Au japon, le kintsugi est l’art de réparer les pièces de poteries avec de l’or, ce qui donne des objets magnifiques. Peut-être que c’est une esthétique qui se popularisera.

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