Mes lecteurs réguliers auront peut-être remarqué que je publie régulièrement des billets en allemand sur ce blog. Il s’agit de poèmes et d’histoires écrites par mon grand-père maternel, Ernst Hasenfratz. Je ne l’ai malheureusement pas bien connu, nous habitions à l’autre bout de la Suisse, et comme il était déjà dans une maison de retraite. J’ai le souvenir d’un vieux monsieur tout doux et tout blanc qui s’affairait sur sa machine à écrire.

Le thème de ses poésie est un mélange d’observations sur la vie dans une maison de retraite, le passage des saisons et des réminiscences du passé, notamment son service actif durant la seconde guerre mondiale, mais aussi de la vie à Elgg, la petite ville dont ma famille est originaire.

Ces textes sont, en tout cas pour certains fragments, en mundart, ce qu’en français on appellerait le Suisse-allemand. Une langue qui selon Linguisticæ n’existe pas, et qui ne s’écrit normalement pas – ça n’a pas arrêté mon grand-père. Cela n’a pas fait d’un rebelle, même s’il n’était pas un personnage conventionnel – il a été homme au foyer dans la suisse d’après guerre – simplement que transcrire du dialecte en suisse-alémanique n’est rien de spécial, surtout dans le domaine personnel, intime, lorsqu’on écrit dans sa langue. Ici, la langue glisse de l’allemand officiel au dialecte selon les besoins, l’humeur.

Je vois régulièrement passer des sur les réseaux sociaux les sempiternelles lamentations sur l’orthographe française qui se perd, trainant derrière elles l’ineluctable déclin de la culture française, avec en contrepoint les linguistes qui tentent en vain d’expliquer qu’une langue évolue et que l’orthographe est fondamentalement une machine de Tinguely sociale. Bref d’expliquer avec beaucoup de mots que mon grand père avait fondamentalement raison…