Traverser la mer (1)

Les tentures sur les murs ne cachent pas réellement le fait que le quartier général est une vieille grange. La pluie tambourine sur la toile cirée tendue en travers du trou dans le toit. Autours d’une grande table en bois, l’état major s’assemble.

Krigbjur, le chef de guerre, se situe au fond, dans l’ombre. Il masse consciencieusement un bleu sur son bras gauche et contemple les éclats de boue sêchée qui tombent de la chevelure de l’éclaireur sur la carte, estompant un peu plus le nom d’une forêt à l’ouest. Il n’écoute le rapport que d’une oreille distraite, il sait ce que l’éclaireur va dire. La partie de la guerre qui implique de la stratégie, des éclaireurs et des surprises est terminée. À présent, il ne reste que la plaine marécageuse qui sépare deux armées exténuées.

Le dauphin prend la parole. À son sourire Krigbjur sait qu’il a une idée géniale. Il n’aime pas ça. Les idées géniales du dauphin sont la cause de cette guerre: trop de politique, pas assez de bon sens. Même si cette guerre se termine par une victoire, le prix sera important, trop pour les trois misérables hameaux en ruine qui pourraient éventuellement être gagnés.

Compagnons, vu que l’avancée de nos glorieuses troupes n’a pas la célérité désirée, j’ai cherché un moyen de faire souffler les vents de la victoire dans notre sens. En tant qu’héritier des forces de la lumière, j’ai donc décidé d’utiliser mes prérogatives millénaires.

Le chef de guerre pense à la cuisinière du palais, une femme capable de donner à son sourcil gauche une inflexion qui exprime un doute total et absolu, de dire sans un mot que ce que ce qui vient d’être dit est une ânerie sans égal sous le soleil. Il souhaiterait avoir cette capacité, exprimer subtilement le fait qu’il ne croit pas un mot du discours du dauphin, que ce sera dans tous les cas un plan idiot. Malheureusement son propre sourcil est interrompu par une profonde balafre, et cette capacité est perdue pour toujours.

J’ai donc décidé de faire appell à l’alliance ancestrale, et de demander de l’aide à nos amis elfes.

Le chef de guerre se recongne dans les fourures qui recouvrent le coffre qui lui sert de siège. Il ne cherche pas à exprimer son incrédulité à un plan pareil, les autres participants au conseil s’en chargent. Le brouhaha est total, mais le sourire du dauphin indique que cela est prévu, ce qui inquiète passablement le chef de guerre. Il sait qu’il reste quelques elfes sur ces rivages, mais il préfère largement devoir mener la guerre durant une année de plus que les impliquer dans cette affaire.

Je vous présente, Irsahana, représente des elfes dans cette contrée. Elle a répondu à ma convocation au nom de l’alliance ancestrale…

Leave a Reply

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.