Jeu de Rôle et Réduction

Il y a quelque temps j’avais écrit un billet, en réponse à un billet intitulé Le jeu de rôle est potentialité, mais je n’étais pas arrivé à une conclusion qui me satisfasse. Après quelques bières des BFM et pas mal de discussions avec Antoine, je pense que le jeu de rôle n’est pas tant la potentialité, que le réduction de cette potentialité de manière consensuelle.

J’utilise le terme réduction, dans le sens où il utilisé dans ma maigre compréhension de la mécanique quantique, dans la réduction du paquet d’onde.

La réduction du paquet d’onde est un concept de la mécanique quantique selon lequel, après une mesure, un système physique voit son état entièrement réduit à celui qui a été mesuré.

Quel rapport avec le jeu de rôle ? Si le jeu de rôle se définit par beaucoup de potentialité au début, le déroulement d’une partie voit les différentes potentialités se réduire, la multitude d’histoires possibles n’en deviennent qu’une seule. L’arbre des possibilités ne devient qu’une seule branche. Dans le jeu de rôle, c’est la narration qui tient lieu d’observation. Dès le moment où le MJ explique que les murs de la cité sont blancs, toutes les univers potentiels où les murs avaient une couleur différente, s’évaporent. Ce qui est intéressant, c’est que ce n’est pas que le maître de jeu qui raconte, les autres joueurs le font aussi, autours de la table, mais aussi lorsqu’il conçoivent leur personnage, le simple fait de choisir un nom de personnage qui est un palindrome créé un univers de possibilités, et en détruit un autre.

Mais pourquoi parler de cela ? À mon avis, un des problèmes dans la conception de matériel de jeu de rôle, que ce soit des univers, des suppléments ou des scénarios, c’est que ce matériel réduit souvent les mauvaises choses. Tout matériel est par définition une réduction des potentiels, vu qu’ils contiennent des faits, des éléments narratifs. À noter que réduire les potentialités est une bonne chose, le jeu de rôle n’est possible que s’il existe une connaissance commune et consensuelle entre le MJ et les joueurs. Idéalement, on voudrait réduire tout ce qui est nécessaire pour que l’histoire avance, et rien de plus.

Si on regarde comment son structurées les séries télévisées, les personnages sont suffisamment définis pour que l’histoire fonctionne, pour qu’on puisse cerner leur personnalité, mais leur passé, n’est pas défini au départ. Les différents éléments de leur passé sont introduits au fur et à mesure que la série progresse. Si un personnage a besoin d’un frère ainé psychopathe, il en aura un, rétroactivement. Une fois ce fait narré, observé dans l’histoire, l’univers des frères ainés possible sera réduit à un seul. À mon avis, le jeu de rôle devrait suivre le même principe, mais de manière consensuelle.

Une notion intéressante mentionnée dans le billet Le jeu de rôle est potentialité est celle de bang, notion issue du site the Forge et décrite comme suit.

La Technique d’introduction d’évènements dans le jeu, produisant une thématique significative ou amenant au moins des choix évocateurs nécessaires pour le joueur.

En d’autre termes, il s’agit d’un évènement qui force l’observation d’un aspect d’un personnage.

Beaucoup de jeux ont des mécanismes pour permettre aux joueurs d’introduire des éléments nouveaux : plot points, improvisation, mauvaises nouvelles. Le problème c’est que lorsque l’on met ensemble ces mécanismes, les suppléments, le jeu de base, le résultat est souvent incohérent. Par exemple, dans Serenity, les personnages peuvent avoir des points forts. Si un personnage est beau, c’est quelque chose qui sera observé d’entrée de jeu, mais s’il a des contacts dans la pègre ? Pourquoi déterminer les avantages avant qu’ils soient observés ? De même dans Rêve de Dragon, les rêves souvenirs permettent de monter les compétences des personnages, pourquoi les allouer immédiatement, pourquoi ne pas laisser les joueurs décider rétro-activement ce dont les personnages se sont souvenus ? Certains joueurs aiment préciser leurs personnages, d’autres préfèrent réagir sur le moment. Laisser les joueurs choisir les avantages et leur compétences de manière opportuniste leur donne un léger avantage, mais quelle importance ? En contrepartie, les personnages résultant seront plus organiques, plus marqués par l’histoire. Un autre exemple concerne les suppléments pour une région de l’univers, il serait très pratique d’avoir des mécanismes permettant de faire qu’un personnage soit, rétroactivement originaire de la région. On pourrait par exemple imagine un mécanisme d’avantages et de défauts liés à l’endroit qui apparaîtraient en cours de jeu, par exemple le fait d’être connu dans la dite région. Ce ne sont que des exemples et des idées, bien sûr, mais je pense que le concept peut aider à concevoir du matériel de jeu plus facilement utilisable.

10 thoughts on “Jeu de Rôle et Réduction”

  1. Ok, je vais commencer par te dire que je ne suis pas d’accord avec toi, et ensuite seulement je lirai ton billet :-)

  2. Bon, je vais redire ce que cette mémorable discussion à la Salamandre m’avait suggéré : je n’approuve pas la comparaison avec la physique quantique. Je suis d’accord sur plein de choses, notamment l’idée de potentiel et de réduction, mais pas comme ça. Mon point de vue est que nous ne pouvons pas mélanger le quantique, qui est une théorie aux développements mathématiques dans un contexte très particulier (la physique fondamentale), avec l’activité sociale et sociable qui consiste à discuter autour d’une table. Est-ce que parler de potentiel et de réduction a un sens quand ne pas observer un évènement le réduit aussi (à rien en l’occurrence) ? Si des joueurs ne font pas qlq chose, par exemple ne se présentent pas à la partie, n’agisse pas selon un certain schéma, etc. Ils réduisent aussi le jeu à une situation, ou plutôt à une absence de situation. Est-ce que c’est pertinent alors de parler de quantique avec le jdr ?

    • C’est une métaphore, pour moi, sa pertinence se ramène au fait qu’on peut s’en servir pour construire du matériel de JdR ou non…

  3. Je trouve ça très pertinent. “Boule de neige” propose de créer un nouveau trait à chaque scène, c’est une manière tout à fait pertinente d’assumer l’idée que ce sont ses actes qui définissent un personnage.

  4. je ne suis pas un grand connaisseur mais j’aimais bien les noms. je goûterai si un jour je passe par vos accidentées contrées.

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