Les centralisateurs du web

Il y a de cela presque trois ans, j’ai écrit un billet au sujet de l’Oniropædia, entreprise qui m’avait semblé louable à l’époque. Le projet est rapidement tombé à l’abandon, pour rejoindre les légions de wiki mort-vivants qui peuplent le web. Cet désaffectation n’est pas réel­lement surprenante, Rêve de Dragon est à présent un vieux jeu, et les gardiens de ce wiki m’ont plus frappé par leur caractère procédurier que par leur esprit fédérateur, mais je pense qu’il y avait un problème plus fondamental dans leur approche : ils cherchaient à centraliser le web. Je ne veux pas dire qu’il n’y a pas de site centralisé sur le web, la wikipedia elle même est en un sens un site centralisé, un portail, simplement que ces portails offrent quelque chose qui a une valeur importante : des gens.

Il y a, à mon avis, trois catégories de sites de jeu de rôle amateurs sur le web : les sites personnels, les forums (typiquement en PHP-BB) utilisé typiquement par les membres d’un groupe, et les wikis liés à un jeu ou un univers. Les premiers étaient là au début du web, leur rythme dépend de l’intérêt de leur propriétaire, et ils continueront à exister, je soupçonne qu’ils prendront de plus en plus la forme de blogs. Les forums dépendent de deux choses, l’existence d’un groupe en tant que groupe, et l’énergie de quelqu’un qui va maintenir le forum. Leur principal problème, c’est qu’ils forcent les gens dans une communauté. Si quelqu’un veut interagir avec n groupes, il doit suivre n sites, gérer n identités. Les réseaux sociaux ont l’avantage de gérer des communautés multiples et de ne demander un modérateur ni un administrateur système.

Sans surprise, un wiki est particulièrement adapté pour gérer un travail de création commune d’une encyclopédie. Un wiki n’est pas particulièrement adapté pour gérer des opinions divergentes ni pour gérer un index, une collection de liens vers des resources situées sur le web (les moteurs de recherche font ça bien mieux). Cela veut dire que si j’écris une aide de jeu, un scénario, je ne la mettrais pas sur un wiki – je l’ai fait par le passé et le résultat a toujours été décevant, le format du wiki ne se prête pas à des textes complets avec des mises en page. Je ne mettrais pas non plus une critique de livre ou de film, je n’ai pas particulièrement envie que d’autres améliorent ma critique, et j’aimerais en garder le contrôle, pouvoir sauver les données, les migrer ailleurs. De même en tant que lecteur, je ne veut pas des critiques ou des scénarios qui sont le compromis issu du passage de nombreux éditeurs. C’est quelque chose de désirable pour les informations sur une ville, ou sur un coléoptère rare, mais pas pour un texte qui est censé avoir une personnalité, ou être raisonnablement indépendant.

En ce sens, je pense que le problème de ces initiatives, c’est qu’elles essayent de centraliser un media qui de par sa nature n’a pas de centre.

2 thoughts on “Les centralisateurs du web”

  1. Ce n’est pas la première tentative de ce genre. Que je sache, elles ont toutes foiré, à des degrés divers.

  2. Bonne remarque. Toute tentation centralisatrice, hors index, est vouée à l’échec et bride la créativité des intervenants. Sauf à avoir du monde à temps plein pour que lesdits créateurs aient outils, support, et voient un intérêt massif à passer par le site, mais c’est en général utopique. Et comme tu dis, il y a la mise en forme.

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