Chroniques Japonaises

Chroniques Japonaises - Nicolas Bouvier - Couverture - Le Blaireau Magique – Hokusai

Chroniques Japonaises est un livre qui traînait dans ma bibliothèque depuis un moment, probablement acheté sur une recommandation que j’ai oublié depuis longtemps. On me l’a une fois encore recommandé lorsqu’ai fait un billet sur un autre livre du même auteur, « Le vide et le plein ». Pour quelqu’un qui vient de Genève, et qui est intéressé par le Japon, Nicolas Bouvier a quelque chose d’inexorable, même si le personnage ne semble pas être très célèbre. À ma connaissance, la seule chose qui lui ait été dédiée est un centre d’animation à la clinique psychiatrique «  Belle Idée  » à proximité de Genève. Cela me semble étrangement approprié.

Chroniques Japonaises est un livre hybride. La première partie est une présentation historique du pays, la seconde une série de notes de voyages, les « carnets gris », du même style que celles qui composent « le Vide et le Plein ». La première partie n’est pas un document académique, et je peux imaginer que les historiens lui reprochent beaucoup, à commencer par sa brièveté : moins de cent pages pour résumer une culture sur plusieurs millénaires, ce n’est pas une présentation, c’est un haiku. C’est aussi à mon avis la meilleure explication du pays que j’ai lue, celle qui s’approche le plus de l’essence du pays telle qu’un occidental peut la comprendre.

En ce qui concerne les carnets gris, tout ce que j’ai pu écrire dans mon billet sur le « vide et le plein » est approprié. Je dois ajouter que j’aime beaucoup le style d’écriture de Nicolas Bouvier. À trop lire en anglais, je me suis habitué à un style rapide, à des phrases plus courtes et rythmées, et je trouve facilement l’écriture en français lourde et pesante, l’auteur trop occupé à démontrer sa maîtrise pour en faire quelque chose pour le lecteur. Un style que la vie académique et ses monologues ex-cathedra ne m’a pas rendu sympathique. En lisant ce livre, je me suis dit pour la première fois ce millénaire dit, « j’aimerais pouvoir écrire en français comme ça ». Ce n’est pas la prose d’un académicien, mais d’un voyageur qui sait utiliser un large vocabulaire (j’ai du chercher la signification de phalanstère) des phrases longues, sans pour autant s’encombrer d’un lourd bagage. Je ne dirais pas pour autant qu’il maîtrise la langue, mais plutôt qu’ils sont arrivés à une sorte d’équilibre tendu et énergique.

Même à la lanterne magique, il ne faut pas faire de cinéma : la plupart des liens solides se nouent au-delà de l’intellect et ne s’expriment que rarement dans les livres, mais dans les tatouages qu’on peut voir à la plage ou à la morgue, dans deux mains qui serrent une épaule sur un quai de gare et garderont – trop longtemps peut-être – cette chaleur et cette élasticité dans les doigts, dans des cartes écrites par des militaires et si mal adressées qu’elles arrivent chez de vieilles folles auxquelles on n’avait jamais dit de choses si tendres, dans le silence de deux visages qui s’enfoncent au tréfonds de l’oreiller, comme s’ils y voulaient disparaître, dans ce désir si rarement comblé qu’ont les mourants de trouver le bout de l’écheveau et quelque chose à dire, dans la fenêtre qu’on ouvre ensuite, dans la tête d’un enfant qui fond en larmes, perdu dans la rumeur d’une langue étrangère.

Nicolas Bouvier, « Chroniques Japonaises » Petite Bibliothèque Payot
ISBN: 2-228-89400-1.

8 thoughts on “Chroniques Japonaises”

  1. Ah, ben ça c’est marrant: je suis en train de le finir et je comptais poster un billet dessus dans ces tous prochains jours.

    Ça va d’ailleurs faire un peu doublon, parce que je suis du même avis que toi.

  2. Je trouve que ‘Chroniques Japonaises’ montre un cote positif du Japon, alors que ‘Le vide et le plein’ est plus negatif sur le Japon.
    Du meme auteur, j’ai beaucoup aime ‘L’usage du Monde’ avec sa description de sa vie de boheme dans les villes d’orients.

    C.

  3. Le centre d’animation de belle idée et le collège/école de commerce sont des entités séparées. L’une se trouve dans la région du Petit Bel Air, l’autre à Saint-Jean avec une annexe à la rue Lissignol (près de la librairie Eclipse).

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