Esperanto helpos la eŭropajn popolojn kunkreski

Les adeptes de l’espéranto me font souvent penser aux fanatiques de Linux. Mais si j’ai parfois l’impression qu’ils n’ont pas compris le problème, la solution est Linux. J’ai trouvé par le biais du blog Anniceris cette vidéo du parti Europe Démocratie Espéranto. La proposition de ce parti est simple, utiliser l’espéranto comme langue commune neutre.

Si l’Europe a indéniablement des problèmes, je ne pense pas que l’utilisation de l’anglais comme lingua franca soit en tête de la liste. En tout cas la situation ne justifie à mon sens pas un parti dont le seul but avoué est de régler cet aspect de la structure européenne. Le gros problème à mon sens, c’est que l’espéranto est centré sur l’Europe, c’est une langue neutre du point de vue européen, elle n’a donc qu’un intérêt limité en dehors de l’Europe. Avoir une lingua franca différente du reste du monde est un bon moyen pour que l’Europe se referme sur elle-même, ce qui serait pour moi un sérieux problème.

L’autre reproche standard à l’Espéranto c’est que c’est une langue artificielle, sans culture. Les partisans de cette langue argumentent que c’est son avantage que cela participe à sa neutralité. Je vois deux problèmes à cette idée, d’une part, la relation entre les citoyens de la communauté européenne et Bruxelles est déjà très abstraite, et je ne suis pas sûr que l’utilisation d’une langue artificielle va rendre les eurocrates plus sympathiques. De l’autre côté, si l’espéranto est le rêve de l’enseignant de langues avec sa grammaire régulière et simple, son enseignement risque d’être aussi excitant pour l’élève moyen que celui des mathématiques. L’anglais a l’avantage d’ouvrir les portes de pays anglophones et du vaste monde, sans parler des clips de Beyoncé…

En ingénieur, j’ai tendance à penser en terme de solutions à des problèmes. En général, on ne remplace une solution par une autre avec succès que si la nouvelle a des avantages importants, histoire de justifier les coûts importants de la transition. L’espéranto a, à mon sens, quelques avantages très théoriques, et beaucoup d’inconvénient pratiques et mesquins, comme par exemple le fait que l’espéranto utilise des caractères en dehors de la norme ISO-latin-1 et n’existent sur aucun clavier européen.

11 thoughts on “Esperanto helpos la eŭropajn popolojn kunkreski”

  1. Le problème de clavier est réel. Le Dr Zamenhof ne pouvait pas prévoir que l’informatique serait dominée par la culture la plus pauvre du monde en matière typographique…

    Justement, le problème de la culture est central : une langue véhicule toujours pas mal de sous-entendus culturels, une vision du monde, ne serait-ce (hypothèse basse) que par la masse de littérature préexistante, les mythes de cette civilisation qu’elle répercute forcément, le fait qu’elle filtre forcément ce qui vient des autres cultures et retransmet aux autres (pour les Chinois, « Notre Dame de Paris », c’est la version Disney)… C’est flagrant sur Slashdot, qui est censé causer d’informatique, est lu par toute la planète, mais rediffuse des sujets essentiellement américains.

    Pas de bol (ou plutôt : forcément) l’anglais est à la fois la langue de la puissance dominante, de notre encombrant allié et pire adversaire commercial, et celle d’un des membres majeurs et pas des plus coopératifs de l’Union. Ce n’est pas comme si le latin était encore une langue commune (on aurait dû le prendre comme langue officielle pour la CECA !), ou que l’on avait choisi une langue d’un petit pays de chez nous comme le tchèque.

    Quant à la facilité d’apprentissage de l’anglais, je reste sceptique : mots imprononçables à la seule vue de la graphie, règles parfois plus tordues que le français… Facile à baragouiner, oui, mais ça dégénère vite en globish immonde qu’un Indien ou un Français comprennent mieux qu’un prof de littérature d’Oxford.

    L’esperanto n’a pas de culture, je doute que le petit noyau dur soit d’accord. Même : cette culture vient avec le nombre de locuteurs, et fatalement, sera influencée par leur origine : si l’esperanto, disons, s’imposait en Allemagne massivement d’abord, la culture esperantiste serait fortement plus teintée, disons, de socialisme rhénan que du discours libertaire que je vois parfois sur Slashdot.

    Sinon je suis sceptique sur l’idée de langue internationale, je doute que l’acquisition du vocabulaire soit plus facile pour un Chinois ; mais comme langue commune à des indo-européens, pas de problème.

    Enfin, c’est comme Linux : pas forcément LA solution (quoique :-) mais une corde nettement plus intéressante à son arc une fois la masse critique de gens atteinte. Dès que j’ai le temps je l’apprendrai. N’apprendre qu’une langue c’est être borgne de toute manière.

    Soyons lucide : une expansion rapide de l’esperanto nécessiterait un rejet massif de l’anglais suite à un effondrement économique des US (improbable) ou un comportement impérialiste dont même Bush n’aurait pas été capable, plus une volonté réelle de gouvernements genre Chine ou Europe, plus une nécessité économique qui permettrait de le voir dans des films, des jeux… (problème de la poule et de l’œuf) ; ce que Londres et Washington seraient ravis de tuer dans l’œuf car ils sont conscients de l’intérêt d’avoir LA langue de référence. J’y crois moins que de voir le chinois langue obligatoire dans les collèges français en 2050.

    N’empêche que je vais quand même essayer de l’apprendre, la méthode Assimil est sur ma table de nuit depuis Noël. Et KDE fonctionne très bien en esperanto.

  2. J’ajoute que la pub pour l’esperanto pour Wikipédia précise que 150 h d’esperanto valent 1500h d’anglais. Ce qui veut dire que pour une grosse organisation (admin européenne), on peut former tout le monde à l’esperanto en une année ; ce serait inconcevable avec une langue « normale » plus difficile. Question de volonté politique mais c’est bien ce qui manque le plus à l’UE.

  3. L’entrée de la wikipedia donne entre 4 et 20 le facteur entre l’apprentissage de l’anglais et celui l’espéranto. Même un facteur 10 me semble énorme, vu que l’espéranto est surtout parlé par des intellectuels, je me demande dans quelle mesure se facteur se retrouvera avec des gens qui apprennent plus par répétition / immersion que sur une base grammaticale.
    Même si ce langage était adopté à large échelle, il ne résoudrait pas les problèmes liés à la différence de culture sous-jacente.
    Un «Ja» en allemand ne veut pas dire «Si» en italien, que voudra dire le «Jes» en espéranto?

  4. Et l’Anglais n’est pas que la langue des États-Unis et du Royaume-Uni. C’est la langue officielle de l’Inde, d’une ribanbelle de pays africains et de toue la zone Océanienne. L’anglais est probablement la seule langue étrangère apprise dans la zone d’influence chinoise. On parle de plus de la moitié de la population mondiale. Donc même si l’Europe passait à l’espéranto, l’anglais resterait nécessaire pour interagir avec le monde extérieur. Cela veut dire que les papiers scientifiques resteront en anglais, ainsi que toutes les interactions commerciales. L’anglais est difficile à apprendre, et tout cas autant que toute autre langue non-synthétique, mais c’est un mal nécessaire.

    Quand à la culture de l’espéranto, je soupçonne que dès qu’elle commencera à exister, elle détruira l’aspect synthétique de la langue. Une caractéristique de toute langue qui a une culture vivante, c’est qu’elle change.

  5. En vrac (mode avocat du diable) :

    – Par imitation l’esperanto est encore plus facile que d’autres langues puisqu’il n’y a aucune irrégularité ; pas de prime au QI comme en latin ou en allemand. Après, il faut apprendre le vocabulaire mais puisqu’il vient du fond commun….

    – Je ne connais pas non plus la différence entre Oui, Ja et Yes, ça ne me gêne pas.

    – L’anglais langue officielle de l’Inde je veux bien mais si j’en juge les forums ça ne donne pas de beaux résultats (ils ont leur version propre de l’anglais ?). Je ne connais rien à l’Inde mais vue leur taille c’est comme si l’anglais état langue officielle de l’Eurafrique non ?

    – L’Europe a une belle masse critique vue la masse de ses échanges, avec effet massif sur le monde arabe (quoique le Maghreb en resterait au français ?) et l’Afrique. Après, il faudrait jouer sur l’antiaméricanisme ailleurs…

    – Soyons lucide, l’anglais est déjà bien trop répandu pour être sérieusement contesté. Par contre, comme Linux ou Firefox, la présence d’un outsider est toujours une bonne chose pour limiter les abus du monopole…

    – La culture espérantiste doit déjà exister puisque la communauté existe (et Internet a dû lui donner un coup de fouet) ; par contre en cas de succès majeur rapide, elle se retrouverait vite dépassée par l’influence des nouveaux. Et que ceux-ci soient chinois russes ou européens aura une grosse importance. Pour le moment, l’influence des Chinois sur l’anglais, si j’en crois ce qui arrive via le filtre anglosaxon (forcément !) est limité…

  6. Pour l’Inde ce n’est pas si simple, l’anglais est la langue officielle certes, mais parmi tant d’autres dans ce pays. Cela cause bien des soucis (http://pro.01net.com/editorial/502847/do-you-speak-hindi-(or-bengali-tamil-malayalam-)/) à certains pour faire du business dans ce pays.

    Mais bon j’en suis convaincu, l’anglais (enfin le pidgin basé sur l’anglais simplifié http://fr.wikipedia.org/wiki/Anglais_simplifi%C3%A9 :-) ) est devenu la lingua franca ^w^w langue véhiculaire de notre époque. C’est un fait. C’est la force de l’histoire. Tout comme la force de l’histoire avait imposé le Français ou le latin médiéval auparavant et en imposera peut être une autre dans 50 ans, 100 ans, 1000 ans…

    Imposer une langue commune, artificielle qui plus est, sur la base de la volonté, sans moyens financiers ni légitimité culturelle, c’est de l’utopie. Quand on voit ce que cela a pris en temps et en argent (car il faut bien financer le système éducatif) aux gouvernements français pour imposer le français comme langue maternelle aux Bretons, Picards, Alsaciens (et eux ce n’est pas encore gangé, hein Christophe :-)), etc… depuis la fin du 19e, je me dis que l’espéranto n’a aucune chance.

    Ou alors, il nous fait deux guerres mondiales et une puissance économique forte parlant l’espéranto avec les USA et la Chine rayés de la carte des puissances économiques pour que cela marche éventuellement. Et encore, les gens pourraient se rabattre sur des langues qu’il connaissent deja comme l’arabe, le français, l’allemand ou l’espagnol !!!

  7. @Krysztof: Même s’il s’agit d’une langue simplifiée, je ne suis pas sûr que l’imposition d’une langue européenne passe bien en dehors de l’Europe. Le fait que tu aies de la peine avec l’anglais des indiens prouve que l’anglais a été assimilé et transformé, approprié. Entre deux langues, la première imposée historiquement mais connue et adaptée, et une seconde, synthétique, inconnue et perçue comme nouvelle, laquelle sera mieux acceptée? La France a essayé au début du XXᵉ le système de nombre plus logique utilisé en Suisse, peine perdue…
    Il n’y a pas de monopole de l’anglais: comme tu l’as remarqué, les indiens ont une version différentes, et il existe de multiples variantes nationale. Si l’Europe impose légalement l’espéranto comme langue administrative, il faudra des examens, une référence, une entité qui contrôlera la langue, bref quelque chose qui ressemble beaucoup à un monopole.
    Je vois difficilement comment maintenir une langue cohérente sans contrôle fort mais je vois plein de manière pour l’espéranto de diverger: les uns cessent de faire l’accusatif, les autres utilisent différentes racines, ou des mots locaux ou anglais…

  8. J’ai du mal à trouver les résultats complets mais les listes espérantistes ont fait quelque chose comme 0,17 % en France aux Européennes d’hier. Nettement moins en Allemagne, et leur site ne semble pas indiquer de liste dans d’autres pays. Y a encore du travail ;-)

  9. @vp : L’Inde, c’est comme l’Europe, l’anglais ne leur sert que comme langue de comm’ car aucune langue ne s’est unanimement imposée chez eux. Idem dans pas mal de coins d’Afrique avec les langues des anciens colonisateurs (plus l’inertie, la tutelle économique…)

    Oui, c’est une utopie, mais ce ne serait pas la première. Linux, utopie. La démocratie, une utopie. Les 40h, une utopie. L’euro, une utopie. Le progrès dépend des gens qui ne sont pas raisonnables. L’esperanto aurait pu déjà l’emporter si le XXè siècle s’était écoulé plus calmement, sans hégémonie américaine.

    Ah oui, pour le Français, c’est fait : chez nous il est depuis longtemps hégémonique comme l’est rarement une langue – même en Alsace (va trouver un Alsacien non francophone…), et ça a été fait à une époque où l’alphabétisation était faible, les déplacements de population plutôt restreints, et les moyens de communication de masse inexistants hors journaux.

    Faut être lucide, c’est mal parti ! :-) Comme tu dis, sans moyens, ça le serait encore plus. Ça ne serait possible qu’avec une volonté forte et une formation massive de beaucoup de monde. Évidemment entre les entreprises qui ne verront jamais qu’à courte vue, les Anglais qui freineraient des quatre fers, les Américains qui torpilleraient ça… c’est mal parti. On peut compter sur le soutien des Cubains, Iraniens, Nord-coréens… Il y avait une fenêtre mais elle s’est retournée quand l’antiaméricanisme est retombé avec l’élection d’Obama :o)

    @Thias : Pour les Indiens, la langue a été appropriée mais elle a été imposée de l’extérieur. Que je sache, les Indiens causent d’abord une des langues locales, puis l’anglais. Comme la plupart des Européens, dont ce n’est que la seconde langue – quoique le phénomène d’acculturation soit flagrant dans pas mal de pays, notamment scandinaves.

    Pour le contrôle de la langue, le problème est général pour toutes les langues impériales. Faut être français pour croire que c’est un monopole naturel :o) Les exams, les normes… ça existe déjà. Pour le corpus, il y a le minimum, ce genre d’écosystème se crée en quelques années, et pour Wikipédia la taille est du même ordre que certaines langues nationales d’États européens.
    Quant aux variations, elles sont inévitables, mais ça n’a jamais fait « éclater » le français ou l’anglais dans notre monde interconnecté.

  10. @Krysztof c’est effectivement une utopie, le genre d’utopie ou un groupe veut libérer le pauvre peuple d’une hégémonie pour la remplacer pour une autre, scientifiquement meilleure. Je me demande pourquoi je suis aussi méfiant…
    Je propose comme première mesure utopique que les Français abandonnent leur système de numérotation illogique et adoptent celui, bien plus logique, des Suisses-romands, on ne parle que de deux mots, cela ne devrait poser aucun problème…

  11. Chic ! une bagarre !

    Bon, mon avis, largement partagé sinon tout le monde apprendrait l’espéranto : cette langue est sans intérèt autre qu’ethnographique. On peut l’apprendre si on veut, mais ça ne pourra jamais prendre la position de langue véhiculaire, à cause de l’absence de fond culturel et de la forme simpliste de la langue. Comment faire de la diplomatie sans référence historique ? Comment faire de la loi sans tradition de l’interprétation (regarde les différences entre les lois et leurs applications en France, Suisse et Québec) ? et je pourrais tartiner. Dans un sens, le manque de contexte du langage Espéranto en fait une sorte de novlangue accidentelle. Ce n’est pas idéal, à vrai dire. Ou alors seulement si on veut limiter au stricte minimum la liberté d’expression.

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