À propos du génie…

Carte Mère d'un ordinateur Apple 1

Les génies sont un sujet que je vois passer assez souvent, je viens de lire le billet de Ploum sur ce sujet, et il m’a laissé pensif. Il parle de pratique, d’acquis, je suppose qu’il aurait pu aussi parler de Outliers, des 10’000 heures de pratique. En fait, je ne pense pas que le génie réside dans la pratique, aussi intense soit-elle, ni dans un don particulier, pour moi le génie est une question d’angle.

Le terme allemand pour geek est Streber, qui se retrouve dans d’autres langues. En Serbe, Штребери(Štreberi), c’est aussi aussi le titre de la série Big Bang Theory. Streben est un verbe, qui se traduirait en français par s’efforcer (en plus dramatique). J’ai côtoyé pas mal de gens qui s’efforçait, parfois dans le cadre dont rêvent les personnages de Big Bang Theory (le CERN), et pourtant le génie n’était pas (que) cela.

En fait, je ne pense que ce qui fait le génie, ce sont les idées géniales, qui ne sont pas toujours le fruit d’une seule personnes, elles surviennent – à mon avis – lors d’interactions entre plusieurs personnes. Bien plus tard, il y aura une
discussion sur qui était le génie dans la bagarre. Mais qu’est-ce qu’une idée géniale ? C’est une idée qui change la perspective concernant une question, un problème. Le genre d’idée où le se dit ah, merde, oui. Après. La mise en pratique de cette idée géniale n’est en général pas triviale, mais aura un gros impact.

Une personne que je considère comme géniale dans un domaine que je comprends, c’est Steve Wosniak, le co-fondateur d’Apple. Il avait une perspective très différente du matériel, ce qui lui permet de concevoir un ordinateur avec beaucoup moins de composants (donc moins cher) et capable de fonctionner avec une télévision. L’informatique personnelle était née. Il a pu simplifier les circuits parce qu’il avait réalisé que plusieurs composants avaient des rôles similaires qui pouvaient être unifiés et en réalisant qu’on pouvait simplifier le matériel en changeant le logiciel.

Wosniak n’était pas le meilleur électronicien, il n’avait même pas fini sa formation. Le génie résidait dans le fait qu’il avait une autre perspective, qui lui a permis de faire avancer le schmilblick dans une autre direction, un autre angle.

On peut discuter si l’autre Steve de Apple était un génie ou non – il avait certainement une autre perspective sur quel genre d’ordinateur faire et vendre – cela était certainement lié à son parcours personnel, lui aussi n’avait pas terminé son université, il avait étudié la calligraphie et été faire un tour en Inde. Il y a quelque chose d’étrange à voir des gens ayant bravement fait leur université et un MBA vouloir l’émuler…

Pour moi, le je ne sais quoi qui fait un génie est là : la capacité de changer la perspective qu’on a sur un problème. Le travail, la pratique ne garantissent pas de pouvoir aboutir à cela, plutôt le contraire en fait, à trop pratiquer, on accepte et on interiorise le modèle existant. La musique classique est un monde particulièrement sélectif, qui demande une quantité de pratique énorme, mais cette sélection, et le peu de marge de manœuvre, fait qu’il n’y aura pas de génie. Si Mozart était vivant aujourd’hui, il bricolerait probablement avec synthétiseurs et tables de mixage.

C’est aussi pour cela que l’innovation apparaît le plus souvent à l’interface entre plusieurs mondes, que ce se soient des arts, des cultures, ou juste des périodes charnières. C’est de ces métissages que viennent les nouvelles perspectives. Certains sont nés sur ces frontières, d’autres doivent les chercher, mais comme la pratique technique, c’est quelque chose qui doit être cultivé.

Évidemment, c’est une perspective très personnelle sur la question, qu’il faudrait étayer avec des examples. Mais il se fait tard.

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