Col blanc, col bleu…

Office Robot

Contre toute attente, nous sommes arrivés à un point ou un algorithme peut passer un examen de droit, mais pas conduire une voiture de manière autonome. Si on a pas mal parlé des artistes, illustrateurs, acteurs, écrivains qui sont menacés, il y a une multitude de métiers moins visibles qui consistent à prendre des informations et les synthétiser, ou au contraire à broder sur un thème donné, combien pourraient être remplacés par les algorithmes ?

À y penser, le fait que les métiers col blanc sont plus facile à automatiser n’est pas si étonnant que ça : les informations, textes, images sont informatisées depuis bien 20 ans et il y a moins d’évènements aléatoires que dans la réalité physique, où plein d’imprévus sont possibles. Les conséquences d’une erreur dans la paperasse sont aussi bien moins graves. Une vache survient, et si l’algorithme de conduite réagit mal, il peut y avoir mort d’homme.

Du côté col bleu, il y a déjà un manque de personnel, et le changement climatique va augmenter la demande, d’abord parce que l’infrastructure existante va subir une météo pour laquelle elle n’a pas été conçue, et ensuite parce qu’il va falloir en construire une nouvelle : quelqu’un va devoir construire les digues pour les villes côtières, reconstruire les voies de chemins de fer, installer ces panneaux solaires, monter les pompes à chaleur.

Évidemment, il y aura des machines sur tous ces chantiers, probablement aussi des robots, des drones. Mais il faudra des gens pour les réparer, et des bergers. Les moutons ont aussi un réseau de neurones, capable d’apprentissage profond, ce sont des animaux qui ont été sélectionnés depuis des millénaires, et pourtant ils finissent régulièrement là où ils ne devraient pas être, ou coincés dans un buisson. Déployez une flotte de robots et de drones, et il vous faudra des gens qui s’occupent de ce qu’on appelle la dimension opérationnelle, quelqu’un qui gère les imprévus et les trucs coincés.

Dans le monde médical, on va vers une situation similaire : des algorithmes capables de faire des diagnostics, de considérer bien plus de maladies, de médicaments, mais un gros manque de personnel soignant, d’humains, capables d’écouter.

Il y aura des voix pour s’écrier que ces algorithmes ne pensent pas, qu’elles ne comprennent pas les mots qu’elles utilisent. Elles ont raison, mais ce n’est pas la question, est-ce qu’un prêtre comprend ce dont il parle ? Un politicien ? Est-ce qu’il y a réellement une réflexion derrière une brochure de marketing ventant une crème anti-rides, une lessive ?

Les algorithmes ne vont pas remplacer les meilleurs écrivains ou les grands artistes, comme le chaînes de montages et les machines outils, n’ont pas remplacé les maîtres luthiers. Mais elles ont remplacés de nombreux artisans normaux. Et c’est probablement ce qui va se passer à nouveau, auteurs de manuels, journalistes qui reformulent les dépêches d’agences, assistants qui synthétisent rapports et documents.

Le paradoxe, c’est que la société privilégie les emplois à col blanc, des métiers comme avocat où médecin sont au pinacle de la société et les métiers à col bleu sont méprisés, même s’ils sont loins d’être simples. Diagnostiquer une machine complexe sur le terrain, ou s’occuper de gens malades n’est pas facile, dans les deux cas, il faut un mélange de connaissances académiques et d’expérience pratique.

Les générations futures hériteront bien des problèmes, avec en tête le changement climatique et ses conséquences, on peut probablement ajouter à la liste un système éducatif qui doit d’un côté s’adapter à des élèves qui peuvent faire faire leur devoirs à leur téléphone, et de l’autre une formation axée sur des métiers qui vont largement disparaître. D’une certaine manière ce n’est rien de nouveau, j’ai eu des cours de travail du bois qui avaient peut-être un sens pour devenir luthier.

Image générée with DiffusionBee, license CreativeML OpenRAIL M

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