J’ai souvent eu des problèmes avec une partie du sous-texte social, ce qui n’est pas réellement étonnant vu que je suis assez haut sur l’échelle d’Asperger. Un exemple typique de ce genre d’incompréhensions était les cours de prévention routière à l’école.

Le policier nous avait expliqué que si on faisait un signe de la main à un passager piéton, les automobilistes devaient s’arrêter. Autant dire qu’à Genève, dans les années 80, les voitures ne s’arrêtaient pas. À l’époque, il n’y avait ni îlot, ni feu rouge, et traverser la route de Thonon était difficile et stressant.

Mon problème, c’est que je n’avais pas perçu les guillemets : les automobilistes devaient s’arrêter, c’est à dire qu’ils ne devaient pas réellement s’arrêter, soit parce qu’ils n’avaient pas vu l’enfant au bord de la route à temps, qu’ils étaient des frontaliers et donc ne pouvaient pas connaître les règles du pays où ils allaient travailler¹, où qu’ils étaient juste pressés.

Le fait qu’une obligation légale, expliquée par un policier, avait de facto moins de poids qu’une règle de politesse n’avait aucun sens : personne n’a jamais été tué par une personne parlant la bouche pleine, alors que se faire heurter par une voiture est vite mortel. Pourtant les règles de politesse étaient appliquées bien plus strictement.

Dans la série Friends, il y a tout un épisode (Saison 9, épisode 2: the One Where Emma Cries) où on découvre que Joey ne comprend pas le geste des guillemets (air quotes). Je n’ai pas ce problème, mais les gens ne font ce geste que de manière ironique. Pour moi, ces guillemets sont souvent, là, invisibles.

Ces temps-ci ils sont souvent autour du mot opinion. Une différence d’opinion ne veut pas dire que l’interlocuteur a une opinion différente sur un sujet subjectif. Non, cela veut dire qu’il est confronté à un argument étayé par de la logique, des faits, qui ne lui plaisent pas, et comme il ne peut ou ne veut pas discuter ces arguments, ou la logique sous jacente, toute la discussion est ramenée à des opinions.