Climat et Densité

Vue de la Limmat

Lorsqu’on parle du climat, et de la réduction de la consommation du CO₂, on ne parle généralement pas de la densité de population, c’est pourtant l’Elephant in the room du problème, car cette variable affecte beaucoup de problèmes liés au climat : transport, climatisation, infrastructures.

Quand on parle d’augmenter la densité, les gens pensent en général aux villes, au grattes-ciels, par opposition à la campagne. Le fait est que les habitations rurales étaient plutôt denses par le passé, toutes les maisons d’un village étaient à quelques minutes à pied de l’église et des commerces. Et même une ferme isolée avec une famille étendue de 20 personnes correspondait plus à un petit immeuble locatif qu’à une maison extra-urbaine. À l’opposé, la ville de Tōkyō qu’on imagine hyper-dense, comporte une majorité de maison individuelles (avec de minuscules jardins).

Le premier problème des zones d’habitations peu denses c’est qu’elles augmentent les distances : chaque zone de villas augmente la distance de la zone suivante vers les lieux de travail, de commerce, les centres sociaux et culturels. La distance augmente en fonction de la racine carrée de l’inverse la densité, mais comme le temps acceptable pour se rendre au travail est une constante, la vitesse augmente. Comme l’énergie dépensée augmente avec la vitesse, l’énergie liée au déplacements augmente linéairement avec l’inverse de la densité.

Plus la distance entre habitations, commerces, service public et lieux de travail augmente, plus elle exclut des modes de transports écologiques, déplacement à pied d’abord, à vélo ensuite. Si vous ne pouvez pas aller à la poste à vélo, le facteur ne peut pas faire sa tournée à vélo. Cela veut dire que tout le service public devra faire plus de kilomètres : postes, levée des ordures, ronde de polices. Tous les services d’urgences, que ce soit les pompiers, les ambulances ou la police devront rouler en moyenne plus pour intervenir.

Une zone d’habitation peu dense va aussi rendre impossibles les transport publics, en effet pour qu’un train ou un bus fonctionne, il faut que chaque arrêt ait un minimum de clients, le nombre de clients potentiel est défini par un cercle d’un rayon donné (typiquement 400 mètres), et donc lui aussi inversement proportionnel à la densité. Même si on abaisse les couts avec des mini-navettes auto-pilotées, celles-ci seront lentes, car elles devront s’arrêter souvent à des arrêts où il n’y a presque personne, et comme les distances à parcourir sont grandes, ce moyen de transport ne sera utile que pour les retraités et les touristes.

Une faible densité a aussi un impact sur les infrastructures : pour chaque habitation, il faudra plus de routes, mais aussi plus de canalisations, plus de câbles ou de fibre, pour apporter l’eau potable, évacuer les eaux usées, apporter le courants, et les données. Si cette infrastructure est dans la majorité des cas déjà construites, il faut l’entretenir, la remplacer. Plus un câble, un tuyau est long, plus il a de chances de souffrir d’une avarie, plus il est vulnérable aux intempéries : inondation, feu, glissement de terrain. Autant de choses que le climat changeant rend de plus en plus probables. Évidemment, comme les autres services public mentionnés plus haut, les personnes qui devront réparer l’infrastructure devront parcourir plus de kilomètres.

Comme pour le transport, une faible densité rend impossible les infrastructures communes : chauffage ou refroidissement à distance, notamment. Remplacer un chauffage commun par une pompe à chaleur est cher, remplacer celui de chaque maison individuelle l’est bien plus. Car si toute cette distance augmente la consommation d’énergie, elle augmente aussi les dépenses pour les collectivités. Aux États-Unis, le pays suburbain par excellence, le financement de ces zonesà faible densité est fondamentalement une arnaque pyramidale. Le problème fondamental, c’est que ce sont les personnes qui payent des impôts, pas les mètres carrés. Au Japon, à cause de la dépopulation, la ville de Kyōto veut taxer les maisons vides pour cette raison.

Au delà de l’énergie et de l’argent, toutes ces maisons à la campagne avec une grande pelouse et une grande piscine sont un gaspillage de terre arable. Car soyons honnête, pour chaque mètre carré de jardin potager ou de verger attaché à une villa, il y en a dix de pelouse, de piscine ou de terrasse. Vu les pénuries qui s’annoncent, et les difficultés que la climat va engendrer pour l’agriculture, cet usage du terrain ne pourra pas être soutenu.

Évidemment, la densité est un aspect structurel, ce n’est pas un problème qui peut être résolu par une technologie, ou un changement superficiel, seulement une refonte complète de l’espace d’habitation, ce qui n’est pas politiquement acceptable pour toute une population dont le style de vie et la culture est largement définie par cette basse densité, par le rôle central de la voiture notamment…

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