Fascisme et système métrique

Oscar Wilde

Une des choses qu’on découvre lorsqu’on est aux États-Unis, c’est qu’il n’existe pas de carte d’identité, ce qui fait que les locaux s’identifient avec d’autres documents, typiquement le permis de conduire. Lorsque j’ai demandé naïvement pourquoi, la réponse la plus commune a été que cela mènerait au fascisme, que cela permettrait à l’État d’identifier les gens. Faire remarquer que l’État en question pouvait ce faire via les impôts, les registres de votes, ou bêtement l’administration qui délivre les permis de conduire ne m’a jamais permis de remettre en cause cette vérité inébranlable.

C’était il y a plusieurs années. Entre-temps, j’ai appris qu’il existe aux États-Unis des permis de conduire qui ne permettent pas de conduire, justement pour permettre aux gens qui ne peuvent pas conduire d’avoir une carte d’identité qui n’en est pas une. En parallèle, les États-Unis ont aussi introduit une nouvelle norme appelée Real-ID, qui ressemble beaucoup en terme de format aux cartes d’identités européennes, celle-ci est naturellement combattue et la mise en œuvre commencée en 2005 n’est toujours pas terminée. Comme je n’ai plus été aux États-Unis depuis plus d’un an, je n’y ai plus pensé.

Ma principale interaction avec des américains, ces jours, est via des forums en ligne, principalement concernants les chemins de fer. C’est un hobby plutôt plan-plan, qui implique des gens plutôt calmes. Mais, le confinement et la polarisation ambiante aidant, des pensées bizarres émergent. Deux thèmes en particulier semblent invariablement dégénérer invariablement en flame-wars : le système métrique et les trains à grande vitesse. J’ai donc appris que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces deux thèmes sont une pente savonneuse qui, comme les cartes d’identités, mêne implacablement au fascisme.

Autant je peux envisager la problématique liée au documents d’identité, autant cela me parait ridicule pour un système de mesure utilisé quasi universellement, et un mode de transport. Clairement ce mot ne porte pas la signification que j’ai apprise. Cela m’a fait penser à la définition de la vulgarité d’Oscar Wilde : Vulgarity is the conduct of others. Ici, fascisme veut dire tout progrès qui a été fait à l’étranger et qui ne peut être adopté sans mettre en danger la fierté nationale. Évidemment, remettre en cause le status-quo implique une forme d’autorité, qui ne peut-être que tyrannique, car clairement cette autorité doit d’abord s’appliquer à l’extérieur (et maintenir le status-quo).

L’avantage de cette définition, c’est qu’à présent beaucoup d’affirmations ont un sens : adopter les ronds-points aux États-Unis, c’est du fascisme.

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