Le maître de jeu comme ressource

Chaque communauté tend à être son petit microcosme, mais je trouve très intéressant de faire des parallèles. Il y a plusieurs manière de faire de la voile, en amateur avec un voilier normal, ou plus proche de la compétition avec un bateau armé différemment. Il y a quelques éternités, je donnais des cours de voile, avec les discussions et formations que cela implique. Une des bizarreries de ces cours étaient qu’ils ne faisaient pas la distinction entre les types de pratique, et je me trouvais souvent dans des cours expliquant comment enseigner le réglage du pataras, en sachant pertinemment que j’allais enseigner sur des bateaux qui en étaient dépourvus. Intéressant, certes, mais pas évident à mettre en pratique.

Le même motif se retrouve un peu dans toutes les communautés, ceux qui partagent leur connaissances ont complètement assimilé leur environnement de pratique, et oublient que celui de leur audience sera différent. Parfois la différence est un hauban, parfois une environnement de compilation qui marche, parfois un appareil photo avec assez de lentilles pour faire une soupe.

Dans le monde du jeu de rôle, une ressource capitale est le maître de jeu. Par définition, il est différent dans chaque groupe, mais il existe une grosse différence entre le maître de jeu qui est l’auteur du jeu ou du scénario, et le maître de jeu qui a lu le scénario avant de le faire jouer : la capacité d’assimilation. Un auteur qui a passé des mois à écrire une campagne n’aura aucun problème à avoir en tête une vingtaine de personnages non joueurs, d’un autre côté il y a des gens comme moi qui mettent plusieurs jours à se souvenir du nom de mes nouveaux collègues.

Faute de mieux, j’utiliserais une analogie informatique : à mon avis un maître de jeu a une limite mémoire cet à dire l’ensemble des choses qu’il peut garder en tête sans devoir feuilleter ses notes ou le supplément. Chaque fois qu’un élément du scénario déborde, le MJ pagine dans ses papiers, cela casse le rythme de l’histoire et cela augmente les chances d’erreur, i.e. que le maître de jeu se marche dessus, par exemple en dévoilant un fait trop tôt (ou trop tard). Si on considère un maître de jeu qui fait une partie après une semaine de travail, il n’a pas une très grosse limite mémoire.

Qu’on joue un scénario très dirigiste, ou au contraire dans un bac-à-sable, du bon matériel de jeu est conçu et découpé pour tenir le mieux possible dans la tête du maître de jeu. Un bon découpage et quelques trucs mnémoniques peuvent beaucoup aider. Ce qui est intéressant, c’est que les techniques qui font qu’un scénario est mémorisable font souvent aussi que l’histoire est mémorable. Voici quelques techniques qui, à mon avis, fonctionnent :

  • Réduire le nombre de PNJs, mieux vaut avoir moins de PNJs plus complexes qu’une foule de personnages moins typés.
  • Réduire le nombre de lieux, mieux vaut avoir quelques lieux très bien décrits qu’une histoire qui se déplace dans plusieurs lieux flous
  • S’assurer que chaque élément (personnage, lieu) est clairement distinguable des autres, notamment au niveau du nom et de la couleur (certains mémorisent grâce aux sons, d’autres sont plus visuels).
  • Introduire les éléments par un surnom qui est représentatif, utiliser des noms évoquant la nature de l’élément, chaque élément doit avoir un nom facilement mémorisable.
  • Utiliser autant que possible des éléments récurrents, à mon avis cela marche le mieux pour les éléments secondaires, contacts, petits adversaires, concurrents.
  • Utiliser des clichés avec un détournement, l’idée est ici que le maître de jeu ne dois se souvenir que des différences par rapport aux clichés (en gros stocker le δ).
  • N’être original que lorsque c’est utile pour l’histoire. Cela suit un peu le principe du fusil de Tchekhov : si quelque chose doit être mémorable, cela doit être utile comme élément dans le scénario, au moins sous la forme d’une bonne fausse piste.
  • Les jeux de mots, même vaseux, sont un très bon moyen mnémonique
  • Beaucoup de figures de style liées à la versification aident : allitération, assonance, homéotéleute, etc.

À un niveau plus structurel, une approche pour obtenir une vision assez synthétique est de passer le cadre et les personnages par la moulinette des médias locaux, qu’il s’agisse de la commère du quartier, les publicités sur les murs, ou bien les chansons que tout le monde connaît, par définition cette vision est synthétique et mémorisable, et ce sera la première information auquel auront accès les personnages. La subtilité peut venir après…

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