Jeu de rôle & Flow

神奈川沖浪裏

La notion de flow est une de ces idées dont tout le monde parle au travail, et qui semble être aussi à la mode dans la monde du jeu de rôle. Ça a été le thème d’une des sessions à Orc-Idée qui est résumée dans ce billet de Grégory Pogorzelski.

Le billet est plutôt long, mais je pense qu’on peut résumer le problème ainsi : le flow est l’état où les participants dominent suffisamment le contexte (cadre, système de jeu, dynamique de groupe) pour l’oublier et où l’activité (le jeu) est suffisamment intéressante. Le flow est l’équilibre entre le stress lié au manque de contrôle d’un côté, et l’ennui d’une histoire pas assez intéressante de l’autre. Cet article a un assez bon schéma (en English).

Il faut noter que ce n’est pas un état stable, ce qui stresse un joueur à un point donné, comme par exemple un système complexe peut très bien ne plus poser problème avec un peu d’expérience, de même une élément de scénario peut perdre son intérêt si la dynamique du groupe autours de la table change. Il y a aussi beaucoup de facteurs externes qui peuvent agir, rien ne sert de bricoler le système quand la cause de stress est un problème en dehors de la table de jeu.

Chaque participant a des critères différents pour être dans le flow, idéalement tout le groupe serait dedans au même moment, mais c’est un cas optimal. C’est d’ailleurs un gros argument en faveur d’un petit groupe de jeu, chaque participant additionnel diminue les chances que tout le monde soit dans le flow.

On peut sortir du flow de deux côtés, soit du côté stress, soit du côté ennui. Grégory donne les habituels conseils au MJ pour le côté ennui : rendre le scénario plus intéressant, laisser les joueurs s’exprimer, bref ne pas en faire trop. Le paradoxe, c’est que si les joueurs sont sorti parce qu’ils sont submergé par la complexité, il faut au contraire en faire plus, s’ils sont bloqués par les choix, passer à un mode plus dirigiste, si c’est la flexibilité du système : virer des options etc.

La distinction est très importante car la solution pour une situation empire l’autre. Changer de cadre de jeu et de système est une bonne idée pour un groupe qui s’ennuie, c’est la pire chose possible pour un groupe qui peine à s’habituer à un nouveau système, un nouveau cadre. À noter que le côté stress n’est pas réservé au débutants : la fatigue, un problème hors-jeu peuvent rendre l’acte de jouer sans y penser difficile même au joueur le plus chevronné.

Que faire en tant que MJ si on remarque que le groupe est planté ? De fait le billet, de Grégory donne beaucoup de conseils préventifs. Une fois que c’est arrivé, les options du MJ sont plus restreintes :

  1. Déterminer ce qui coince, il y a non seulement les joueurs, mais aussi soi-même. Est-ce que c’est un joueur qui décroche, tout le groupe ? Est-ce que les joueurs se désintéressent parce que l’histoire n’est pas assez intéressante ou parce que le cadre de jeu est trop lourd ? Est-ce que les causes sont internes : le scénario est trop mou ? ou bien externes : les joueurs se sont engueulés hors-jeu ?
  2. Est-ce qu’il faut arrêter la partie ? C’est un peu une idée tabou dans le jeu de rôle, mais il faut admettre qu’il y a des parties impossibles à récupérer : soit parce que le MJ ne voit pas comment ramener un ou plusieurs joueurs dans le flow, peut-être bêtement parce qu’ils sont sorti de côté opposés, soit parce que lui même n’est pas dans le flow. Bref, parfois il vaut mieux arrêter les frais et essayer de repartir sur une base saine une autre fois.
  3. Ajuster les niveaux de challenge, en gros, si un joueur est submergé, il faut lui donner des guides, cela peut-être un PNJ qui le prend en sympathie, une prophétie à son sujet – grosse perche narrative, la prophétie – virer un aspect des règles, le rendre automatique, ou sous le contrôle du MJ. Si tout le groupe est submergé, rendre le scénario plus dirigiste, plus linéaire. Si un joueur s’ennuie, alors il faut faire tout le contraire, ajouter des éléments dynamiques, chambouler les choses, bref faire ce que suggère le billet de Grégory.

Une dernière chose sur laquelle je pense qu’il est important d’insister, c’est que ça n’est pas facile. Par nature, le flow est extrêmement dynamique, et le principal responsable pour celui-ci, le MJ, aimerait aussi être lui aussi dans le flow, et donc ne pas y penser. Il doit parvenir à un état où il perçoit l’état des joueurs sans trop y penser, c’est pour cela que pas mal de méthodes de management recommandent de faire du yoga, mais c’est une autre histoire…

3 thoughts on “Jeu de rôle & Flow”

  1. Merci pour l’article, il me rappelle tout ce que j’oublie régulièrement ;)

    “Une dernière chose sur laquelle je pense qu’il est important d’insister, c’est que ça n’est pas facile.”

    Putain ouais. J’ai pas assez insisté là-dessus pendant la conf’ : créer un environnement propice au flow, c’est chaud-chaud. L’assurer en temps réel pendant une partie ? C’est jongler avec des assiettes.

    Un solide gamedesign derrière ça aide clairement. Mais si on m’écoutait, un solide gamedesign derrière ça résoudrait la crise en Somalie et ramènerait l’équilibre économique en Grèce.*

    (*Authentique)

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