Impressions du Japon

La baie de Shimoda

Je suis donc retourné au Japon, à peu près un an et demi après mon voyage précédent. Là où j’admirais le sakura, les feuilles commençaient à jaunir. J’étais malheureusement trop en avance pour admirer le momiji, le moment où les feuilles des érables deviennent rouge vif. Au delà du passage des saisons, naturellement, le Japon a vécu le plus grand tremble­ment de terre des temps modernes.

Comme je suis me suis pas approché de l’épicentre, je n’ai pas pu voir les effets directs du séisme, mais d’autres signes, plus subtils, étaient visibles un peu partout. Le plus frappant était l’apathie générale : les hôtels sont vides, à Shimoda, une station thermale très populaire au sud de Tōkyō, j’étais la seule personne dans les thermes. Même si c’était un jour de semaine, cela paraissait exagéré, l’hôtel m’a même upgradé ma chambre, quelque chose de plutôt inhabituel au Japon.

L’autre chose frappante était l’absence d’étrangers. Quand on est habitué à une petite ville comme Kanazawa, où les occidentaux sont rares, et qu’on les connait fondamentalement tous, je les remarques toujours lorsque je suis ailleurs au Japon. Français sur l’axe culturel Tōkyō – Kyōto, germaniques dès qu’il s’agit de gravir une montagne, américains bruyants à Tōkyō. Là, personne, tout au plus quelques rares hommes d’affaires dans le Shinkansen et quelques retraités américains à Asakusa.

Puis viennent les signes plus subtils de la pénurie de courant à présent terminées : affiches un peu partout, panneaux expliquant, dans les gares, que telle ou telle devanture est éteinte pour des raison d’économie. On sent l’action précipitée, on a coupé sans chercher la logique : à côté de la devanture éteinte, de gigantesques écrans, à côté de la gare les pachinkos inondent le voisinage de bruit et de lumières criardes.

Les publicités pour l’électro-ménager promettent des économies d’énergie pour les nouveaux appareils, mais l’hiver s’approche, et si elles sont plus discrètes, les publicités pour des chauffages électriques sont omniprésentes. D’une meilleure isolation, nul ne parle. De fait, la télévision parlait peu de Fukushima, et beaucoup de la Thaïlande inondée.

Durant mes précédents voyages, j’avais toujours cédé à la tentation et acheté une de ces babioles informatiques qui font la réputation d’Akihabara, le quartier technophile de Tōkyō, cette fois-ci je n’ai acheté que des câbles et de un support pour fixer mon iPhone sur mon vélo. Pratique, mais on ne peut pas exactement parler de haute technologie.

Apple semble avoir réussi l’impossible : pénétrer le marché japonais, mais aussi et surtout l’esprit des japonais. Dans la commune où j’ai vécu, Nomi, la grande rumeur est de savoir si la nouvelle usine construite par Toshiba sur la colline à côté de JAIST va produire des écrans pour l’iPhone, Apple nie, naturellement, mais cela ne fait qu’alimenter la rumeur. Dans la province d’Ishikawa qui attend toujours la venue Shinkansen depuis Tōkyō, c’est un symbole.

Paradoxalement, l’influence culturelle américaine semble être au plus bas, les nouvelles marques portent des noms français – j’ai beaucoup aimé « Bises Opaques » – ce qui était déjà le cas quand j’habitais au Japon. Ce qui est nouveau, pour moi, c’est la recrudescence de mots allemands: une ligne de parfum « Auslese », et un magazine féminin « Frau ».

2 thoughts on “Impressions du Japon”

  1. Ton dernier paragraphe m’étonne. L’influence allemande dans les pubs pour voiture, sehr gut, ou française dans les parfums, bien sûr, mais « Bises opaques » c’était quoi ?

    Au passage, l’influence chinoise est-elle en hausse ? Les Japonais devraient y être plus perméables que nous pour des raisons histo-linguo-econo-géographique.

  2. Bises Opaques, c’est des vêtements pour jeunes filles, la version adolescente sexy de la tenue de gentlewoman farmer anglaise. Rien de très spécial sur ce front. Par contre voir des mots allemands, en particulier dans le domaine parfum/mode, c’est nouveau. Le fait qu’Ikéa existe à présent au Japon à présent est peut-être aussi significatif.

    À mon avis il est bien trop tôt pour l’influence culturelle chinoise – et de quelle nature serait-elle? les influences de la culture chinoise traditionnelle sont omniprésente, donc la seule influence réellement possible serait le contenu neuf qui est apparu durant la dernière génération…

    J’ai l’impression qu’en Europe, et surtout en France, à cause de l’obsession concernant l’influence culturelle des USA, les gens associent influence économique et culturelle. Mais si on regarde le Japon, malgré sa position de n°2 de l’économie mondiale dans les années 90, le pays du soleil levant n’a eu que peu d’influence culturelle, et cette influence en Europe et aux USA est la plus forte en ce moment, soit près de 20 ans après l’apex de la puissance économique… Et si on regarde la période d’influence précédente (art-déco), je doute que l’économie ait été un facteur.

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