Acqua alta – épisode 1

Couverture de l'Album «Acqua Alta» épisode 1 par Daria Schmitt

Cela faisait un bon moment que l’album Acqua Alta, de Daria Schmitt attendait que je le lise. C’était un très beau cadeau: en le feuilletant, je m’étais dit que cela ressemblait à un album de François Schuiten & Benoît Peeters dessiné par Enki Bilal, le genre d’album qu’il faut lire installé paisiblement dans son salon, en profitant du soleil pour en admirer les couleurs.

L’album raconte l’aventure de deux appariteurs qui livrent une caisse mystérieuse dans la ville d’Ultréquinoxe où va se tenir un important carnaval. Le lecteur suit les deux protagonistes alors qu’ils explorent la ville tout en tentant d’éclaircir leur relation avec la boîte. Les illustrations sont magnifiques, mélangeant un très bon sens des couleurs avec des constructions dignes de Schuiten. Le lettrage des phylactères reprend d’ailleurs le style de celui-ci, lettres capitales, coins subtilement décorés. Un héritage qui est d’ailleurs confirmé en quatrième de couverture :

Ce premier livre longuement rêvé et désiré est la concrétisation de multiples essais, de multiples couches inlassablement recommencées. Cela rend sans doute Acqua alta si particulier.
Depuis le début, je suis un témoin privilégié de cette recherche. J’ai vu Daria Schmitt explorer son histoire au fil des mois. J’ai vu ce monde présent en elle depuis si longtemps trouver lentement sa forme définitive dans la bande dessinée.

Une réalisation à l’image de cette ville mouvante et imprévisible. Un travail de plusieurs années, en couleur directe, pour arriver à rendre ce climat, cette lumière si étranges qui habitent ce monde et ces personnages.

Une évidence s’impose à la lecture : Daria Schmitt possède un univers personnel qu’elle est en train de découvrir et qui, j’espère continuera à être ciselé en dehors de toutes modes et influences.

Mon problème avec cet album se retrouve en filigrane dans ce texte : c’est un univers graphique qui a été lentement élaboré et que l’auteure explore encore, l’histoire et les personnages n’apparaissent que comme des prétextes à une déambulation graphique dans cette magnifique ville. Seul les protagonistes ont des noms, Luc et Matthieu, les autres ne sont définis que par leur rôles : le capitaine, le maire, le négociant… Le fait qu’il s’agit des deux premiers apôtres est probablement un symbole, mais ils sont tellement fades que je ne me suis absolument pas senti connecté à leur destinée.

Les autres personnages ne sont pas non plus très intéressants, on retrouve les costumes et les castes typiques d’Enki Bilal sans le dynamisme, le cynisme sous-jacent. Une chose que j’ai trouvé étrange, c’est l’absence totale de personnages féminins, les seules créatures féminines sont des sirènes dans des tubes à la page 45. Alors que tous les autres aspects de la ville sont expliqués, souvent de manière redondante dans les textes, rien n’est évoqué à ce sujet, rien non plus n’indique la moindre tension à ce sujet.

Acqua alta

Casterman
ISBN : 978-2-203-01256-1

Le scénario m’a fait penser à une version confuse de la Fièvre d’Urbicande : un objet initial qui perturbe complètement une ville, mais comme l’état initial est peu clair, la transformation perd beaucoup de son importance. En conclusion Acqua alta est une bande dessinée très belle, mais qui souffre de l’absence d’un scénario et d’une narration cohérente. J’espère que Daria Schmitt ferra d’autres albums, mais en compagnie d’un vrai scénariste.

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