Blanche Neige et les lance-missiles

Couverture Blanche Neige et les lance-missiles - ⓒ Didier Graffet

J’ai fini de lire Blanche Neige et les lance-missile de Catherine Dufour. Cela faisait longtemps que je n’avais lu de Fantasy française et ce livre a été une surprise intéressante. Le texte de présentation du livre donne d’entrée le ton :

Catherine Dufour est née en 1966. Elle a commencé à écrire des poèmes à l’âge de sept ans. Cinq ans plus tard, elle apprend que les poètes finissent tous trafiquants d’armes : elle jette ses poèmes et commence à écrire des nouvelles. Vingt ans et quelque prix plus tard, elle découvre Terry Pratchett, et décide de tout recommencer à zéro. Ainsi naîtra son cycle Quand les dieux buvaient (prix Merlin), qui l’a imposée, avec son roman de science fiction Le goût de l’immortalité (Prix Bob-Morane, Rosny aîné, prix du Lundi et Grand Prix de l’Imaginaire), comme une figure centrale de l’imaginaire actuel français.

Blanche Neige et les lance-missiles

Le Livre de Poche
ISBN : 9782253125402

Ce texte pose d’entrée l’intérêt et les problèmes de ce livre : ça n’est pas du Terry Pratchett. Le récit se place clairement dans la même catégorie du médiéval fantastique déjanté, et regorge d’idées fabuleuses. Expliquer l’antenne de Pleumeur-Bodou par une conspiration de fantômes télégraphistes bretons est à mon avis un coup de génie, la description du pays hors du temps à la fin du second texte est magnifique, sans parler du plan génial pour détruire le paradis à coup de coton hydrophile. En idées brutes, c’est réellement un chef d’œuvre. Plus d’une fois, je me suis dit, ça serait sympa dans un scénario Rêve de Dragon, ce qui m’arrive rarement ces jours.

Ça se gâte au niveau réalisation : Je n’ai pas été impressionné par le style d’écriture, que j’ai trouvé lourd et inélégant. On passe de descriptions élaborées à un style télégraphique en passant par le français ancien, mais les transitions semblent arbitraires et au bout de la cinquième fois, ça devient lassant. J’ai eu l’impression que toute ces manœuvres de style ne sont pas présentes pour soutenir la narration, elles existent par et pour elles-mêmes.

Ce qui nous amène au problème central du texte : les personnages. Il y en a beaucoup, trop et ils sont trop caricaturaux et abstrait pour qu’on s’investisse du point de vue émotionnel. J’ai tendance à facilement confondre les personnages, et dans ce livre j’ai été servi. Ce n’est pas que les personnages ne sont pas différentiés, mais ils sont nombreux et restent trop abstraits et dénués de motivations. C’est à mon avis la grande différence avec les récits de Terry Pratchet : l’investissement dans les personnages. On s’attache aux personnages du Disque-Monde, je n’ai rien ressenti de tel dans le monde de Catherine Dufour. La narration est trop détachée, trop distante. Le problème est accentué par le fait que la majorité des personnages sont passifs et la narration découpée en nombreux fils parallèles.

Le livre regroupe de fait deux textes assez différents, et j’ai trouvé que le second était de meilleure qualité : le style est plus régulier et les personnages mieux différentiés. Reste que le personnage central reste une femme écrivain qui passe toute l’histoire à ne rien comprendre et à se faire expliquer ce qui se passe par d’autres personnages. Les explications à l’intérieur du texte sont une alternative aux exposés du narrateur, mais il y a des limites. Mis à part ça, sur trois cent pages, elle frappe un démon avec une épée (sans effet) et vole un disque dur. Il faut qu’on m’explique pourquoi la fée dans ce livre s’appelle Cid et l’humaine normale s’appelle Mismas. À part embrouiller le lecteur, c’est quoi le but ?

En bref, Blanche Neige et les lance-missiles est un livre qui regorge d’idées brillantes mais qui souffre à mon avis d’un style écriture lourd et fouillis, ce que je trouve un peu décevant pour une figure centrale de l’imaginaire actuel français.

One thought on “Blanche Neige et les lance-missiles”

  1. Tiens, il me disait bien ce livre aussi ; les grands esprits se rejoignent. (Mais bon, trop à lire par ailleurs.)
    Peut-être le titre qui a le mérite d’annoncer la couleur déjantée ?

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