La typographie suisse – du Bauhaus à Paris

Couverture du livre «La typographie suisse»

Ma deuxième lecture de vacances fut la typographie suisse – du Bauhaus à Paris de Roger Chatelain. La typographie est un sujet qui m’intéresse depuis un bon moment, je m’occupais de la mise en page d’un fanzine de jeu de rôle dans les années 90. Si j’étais conscient qu’il y avait eu une influence suisse – le nom de la fonte Helvetica est un indice après tout – je me suis peu préoccupé de son histoire.

Le thème est pourtant passionnant : le fait qu’une bande de jeunes suisse allemands soit monté à Paris après la guerre pour y révolutionner la typographie et le design – qui y étaient à l’époque plutôt à la traîne – est une histoire intéressante, et curieusement, quelque chose dont on parle peu dans le monde francophone.

Si j’ai bien aimé le thème, j’ai eu beaucoup de problèmes avec le livre, que j’ai trouvé trop académique et sec. Le fil conducteur de la narration est la typographie romande, la lecture terminée, je n’ai honnêtement pas d’idée concrète sur sa nature – plus proche des sensibilités latines, mais différente de la typographie française¹.

Helvetica (haut) vs Univers (bas)La typographie est une discipline pratique et graphique, mais les illustrations, les explications sont rares. L’auteur explique par example la différence entre les fontes Helvetica et Univers en texte, une image aurait été utile, mais non, le texte reste dans l’académique et l’abstrait. Ci-contre, une image avec du texte en Helvetica (en haut) et en Univers (en bas). L’auteur accorde par contre une pleine page pour une fonte d’un type avec lequel il a partagé une nuit d’hôtel, la fonte est présentée comme un compromis entre les deux, une explication aussi utile que d’expliquer la différence entre le jaune et le bleu en présentant un échantillon de vert…

Example d'illustration du Livre la Typographie Suisse.Le texte explique par le menu la vie de moult personnages qui ont gagnés plein de prix et fait de très belles choses (qui ne seront pas montrées), le problème c’est que les typographes et les graphistes sont des gens plutôt raisonnables, donc point de coucheries et intrigues qui rendent la vie des artistes intéressantes à lire.

Régulièrement l’auteur revient au fil conducteur, la différence entre typographie romande et suisse allemande. J’aurais espéré à un moment qu’on évoque les différence pratiques (différents caractères, différentes longueur de mots, différences de règles typographiques), et bien non. J’aurais réellement aimé voir des exemples typiques de chaque style de mise en page évoqué dans le livre, français, suisse-romand et suisse-allemand.

Pour un livre qui parle tant de la typographie et de design, j’ai été plutôt déçu par la mise en page, les rares illustrations sont systématiquement en pleine page, sur la page de droite – au point que je me suis demandé un instant si la mise en page avec été faite avec LaTex². Curieusement, d’après le livre, la rigidité de la mise en page est une caractéristique du style germanique…

La qualité de reproduction des images m’a rappelé les polycopiés à l’université dans les années 90. Les explications sous les illustrations utilisent une fonte illisible tant elle est fine (et peut-être grise), le papier est plutôt jaune. Pour un livre contient régulièrement qui rappelle des principes de base de clarté, c’est assez ironique…

Mais Yves Peyré, responsable graphique de la Revue de la Bibliothèque nationale, à Paris, a rappelé un principe incontournable : « Dans le contexte du livre, l’illisibilité n’a pas de justification. »

La typographie suisse – du Bauhaus à Paris
Roger Chatelain
Presses polytechniques et universitaires romandes
ISBN : 978-2-88915-300-8

Le chapitre 12 n’a qu’un rapport annexe avec la typographie suisse, le premier concerne l’orthographe, et la disparition du métier de correcteur, on y apprend l’existence de syndicats du dit métier. Est-ce particulier à la Suisse ou de la Romandie ? Aucune idée.

Si l’auteur évoque vaguement l’informatique, il passe largement sous silence les implications techniques pour la mise en page, de même les thèmes récents comme les fontes universelles pour Unicode, les caractères en couleur, le traitement des images. Il trouve par contre quelques pages pour se plaindre comme il se doit du language SMS (qui a largement disparu).

Si j’ai trouvé le thème du livre très intéressant, je n’ai été convaincu ni par le texte, abstrait, académique et trop enclin au name dropping, ni par la mise en page. J’aurais probablement mieux toléré cela si l’auteur n’était pas censément un expert de l’écriture et de la typographie.


¹ Aucune idée, sérieusement…
² Ce n’est pas un compliment.

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