Relations Virtuelles

A telephonoscope was an early concept of videophone and television, conceptualized in the late 1870s through the 1890s.

Au moins une fois par an, je prends l’avion pour les États-Unis et le Canada, j’y visite les différents bureaux de la compagnie pour y rencontrer mes collègues. Pourquoi faire le déplacement alors que nous avons un système de vidéo conférence ? Parce qu’il ne fonctionne pas. Entendons nous : il marche très bien, la qualité de l’image et du son est très bonne. Ce qui ne fonctionne pas, c’est la télé-présence avec des personnes avec lesquelles je n’ai pas de relation. Il me faut donc régulièrement m’envoler vers un autre continent pour rétablir ce contact, l’effet de la visite collera quelques mois. Officiellement, j’y vais pour faire des réunions, mais dans les faits, avoir un repas fonctionne tout aussi bien, voire mieux – nous sommes des humains. Mais il faut maintenir les apparences, et donc j’ai des meetings.

Le fait que le contact est nécessaire pour maintenir les relations de travail n’est pas un secret, plutôt une généralité qu’on m’a répété à plusieurs cours de management. Ce n’est naturellement pas une règle absolue : je maintiens via internet des relations avec des gens que je n’ai pas vu depuis des mois, des années, dans certains rares des gens que je n’ai jamais rencontré. Mais ce sont des exceptions, et ces relations se caractérisent par des conversations longues et lentes, loin des forums et des réseaux sociaux. De fait mes réseaux sociaux sont structurés selon un critère assez simple : serais-je prêt à prendre une bière avec la personne ?

Alias a récemment écrit un billet sur les problèmes des forums de rôlistes. Je ne pense pas que le problème soit particulier aux jeux de rôles : j’évite pour à peu près les mêmes raison les forums sur l’aïkidō. Pour être honnête ne suis pas surpris qu’il y ait des problèmes, mais plutôt que cela puisse même fonctionner – vu que même dans un milieu professionnel, les choses pétouillent sans contact dans le monde réel.

Le problème des trolls existait déjà à l’époque des Newsgroups Usenet, et la modération était déjà à l’époque le seul espoir : une tâche pénible sans réelle récompense – j’avais à l’époque obtenu un excellent karma sur slashdot, c’est un forum que je fuis à présent. Je ne pense pas que le problème soit tant une question de normes sociales tant que de déconnection, nous apprenons dans le bac à sable comment approcher et interagir avec les autres, mais en-ligne les choses sont différentes, et même avec des emoji, trop de choses non-verbales sont perdues. Les gens tendent à oublier qu’il y a des humains à l’autre bout de la ligne, et l’effet est probablement amplifié par des facteurs multiples : les intervenants sont nombreux, ils sont partiellement anonymes, chaque personne interagit depuis son territoire (son terminal), l’interface est abstraite, et de plus en plus, des algorithmes font partie de la danse.

Telephonoscope de Thomas Edison – Domaine Public

One thought on “Relations Virtuelles”

  1. La société qui m’emploie ne fonctionne qu’en télétravail. Nous nous contentons du chat-machine à café et du téléphone, mais rien ne vaut nos quelques réunions périodiques en face-à-face pour faire du lien (autour d’une bière, au restau, accessoirement pour bosser ensemble), et tant pis pour les frais en train. Je suppose qu’à une autre échelle c’est pareil chez G.

    Je me dis depuis longtemps que l’éloignement physique entre prestataire et client est une des plaies du développement informatique. On se remue beaucoup moins et on est beaucoup moins tolérant avec des gens que l’on n’a jamais rencontré. Il faut vraiment de longues discussions (qui dérivent hors travail) pour avoir un relationnel équivalent avec une personne jamais rencontrée. Même phénomène à un autre niveau quand une entreprise gère son interface client avec un CRM, ou quand les décideurs n’ont plus aucun contact avec la clientèle. Il faut connaître son client pour avoir envie de rendre service — ou se prendre les baffes méritées. Alors quand en plus se rajoutent la distance culturelle avec l’Inde ou la Chine…
    (Je me dis que c’est pareil pour certains électeurs qui ne pensent que du mal des étrangers — à part les « bons » qu’ils côtoient tous les jours. Eux, ils les connaissent et les ont reconnus comme êtres humains.)

    Pour les trolls : les forums manquent surtout de la rétroaction ultime, celle que peut se prendre violemment et physiquement un abruti qui emmerde tout le monde dans la rue par un baraqué excédé, qui lui apprendra à être au moins un peu plus respectueux.

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