Systèmes de jeu, catholique ou protestant?

Un des gros problèmes lors de la création d’un système pour un jeu de rôle, c’est que même si tout le monde pense avoir une idée de ce qu’est un bon système, dans les faits, chacun a ses idées et ses croyances et pas grand chose comme vocabulaire ou comme outil pour discuter de manière structurée.

Il y a une pléthore de manières d’envisager un système de jeu, on peut les classer par réalisme, fluidité, originalité. Je vais vous parler ici de deux approches fondamentalement différentes que j’ai observées. À défaut de meilleur nom, je les appelle les approches catholiques et protestantes. Naturellement, ces termes ne sont pas à prendre à la lettre ni même au sérieux. De fait, si ces termes ont une quelconque importance émotionnelle pour vous, je vous encourage à ne pas lire plus avant. J’aurais pu aussi les appeller Yin et Yang.

L’approche protestante cherche à avoir un système de jeu simple, élégant et juste. En général le jeu ne comporte que compétences et caractéristiques, avec un système de résolution universel et un système de création à points. L’impact du système de jeu sur le monde est en général minimal. Typiquement dans un système ‘protestant’ il n’est pas aisé de reconstruire la feuille de personnage à partir de la description de personnage. En général, un système protestant aura une idée centrale, un concept avec une organisation structurée (typiquement une matrice).

L’approche catholique n’est pas systématique au niveau du système de jeu, on retrouve une abondance de classes, races, clans, maisons avec chacune ses habilités et pouvoirs spéciaux. Que ce soit des niveaux, des grades ou des générations, il existe une hierarchie claire entre personnages. Par contre, la relation entre la feuille et le personnage est évidente car toutes les distinctions dans le système de jeu sont autant de structures sociales du monde. Le niveau ou le rang du personnage sur la feuille a une expression dans la réalité du jeu, que ce soit son titre ou le nombre d’étages de son chapeau. Personne n’attendra des joueurs de comprendre l’esprit d’un système de jeu catholique. Par contre la lettre, surtout si elle se trouve dans un supplément obscur, aura beaucoup d’importance.

Si les systèmes protestants tendent à être plus universels, ils sont aussi plus difficiles à étendre car chaque extension menace l’idée et la structure du noyau de règles. Un système catholique, s’il est en général peu adapté en dehors de son univers de base (typiquement de l’AD&D pour faire de la science fiction), est par contre une invitation à l’extension. Dans un système protestant, l’horizon de ce qui serait au dela des règles est un privilège du créateur du jeu, dans un système catholique c’est une vague limite repoussée à chaque supplément.

Les deux approches ont leur plaies, le système protestant aura son min-maxeur, le comptable qui a optimisé la matrice des caractéristiques. Le système catholique aura le rat de bibliothèque, qui use et abuse des classes et castes obscures et disproportionnées.

Dans une certaine mesure la distinction entre systèmes ‘catholique’ et ‘protestant’ dépend de l’univers du jeu lui même, mais c’est surtout une question de vision. Difficile de mettre un système protestant dans un univers ou la structure sociale est très importante. De même avoir un système avec des classes dans une société très fluide et égalitaire ne va pas très bien. Comme d’habitude, la solution est probablement quelque part entre ces deux extrêmes, les systèmes ‘catholiques’ tendent à devenir très complexes et chaotiques, les systèmes protestants tendent à être secs en ennuyeux. La clef d’un système idéal étant de combiner les deux approches…

Le truc amusant, c’est que les jeux catholiques semblent être plus populaires, alors que les jeux protestants attirent une catégorie de joueurs qui se considèrent comme une certaine élite.

One thought on “Systèmes de jeu, catholique ou protestant?

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