Livres Futurs

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Je suis tombé il y a quelques jours via Facebook sur un article concernant le futur referendum (en Suisse) sur un loi de prix unique pour les livres. Si je n’ai pas d’opinion très forte sur la loi per se, je pense qu’essayer de changer la loi en 2012 n’a aucun sens.

L’auteur justifie la nouvelle loi sur le besoin de protéger les auteurs, les éditeurs, les librairies de la grande distribution qui va casser les prix. Il s’agit peut-être d’une menace actuelle – même si les librairies que je fréquente s’y sont adaptées en étant des lieux plus accueillants qu’un super-marché – mais cela n’est pas réellement important : la réelle menace pour le monde actuel du livre n’est pas la grande distribution, mais le livre électronique.

Je n’ai pas encore de liseuse électronique, mais je sais que c’est une question de temps. Elles ne me satisfont pas encore, mais il y a des hordes d’ingénieurs qui travaillent dur pour les améliorer, et, tôt ou tard, toutes mes objections seront caduques. Les poètes feront des éloges sentimentales du papier, déclareront que le livre électronique ne sera jamais un beau livre, mais il prendra du terrain, le grignotant en partant des ouvrages les plus vulgaires : manuels, dictionnaires, livres de poche et de cuisine. Peu à peu tout la majorité s’y mettra, de la même manière que la majorité s’est mise à la musique, la photo, ou la vidéo numérique.

Le passage au format numérique s’accompagnera des habituels cavaliers du chaos : piratage, transformation de tous les modèles, distribution, vente (pourquoi est-ce que je ne peux pas acheter mon livre au chapitre ?), stockage, partage, archivage. Le problème de la copie sera renforcé par le fait que les informations textuelles sont ridiculement compactes : les Contes Français ne prennent que 400 kilo-octets, moitié moins que la page d’entrée de ce blog. Un téléphone mobile avec 32 giga-octets peut donc stocker 80 millions de livres, la librairie du congrès américain, consi­dérée comme la plus grande au monde, ne contient que 20 millions de livres. À moins d’im­poser un niveau de contrôle qui laisserait même la Corée du Nord coite, il est impossible d’éviter les copies.

Par rapport à la musique la situation sera compliquée par deux faits. D’abord il y a un énorme inventaire de livres gratuits. Pourquoi acheter des romans quand il y en a des très bien dans le domaine public ? Chaque années les écoles font acheter des milliers d’exem­plaires de classiques. Ces piliers de la culture ne devraient-ils pas être gratuits ? Les romans à l’eau de rose d’aujourd’hui sont-ils réellement meil­leurs que ceux d’il y a un siècle ? Ensuite, comme les données textuelles sont compactes et structurées, les ordinateurs peuvent faire des traitements avancés.

En quelques années nous sommes passés de correcteurs ortho­graphiques à la traduction auto­matique. Un article généré par un algorithme a déjà été accepté dans une conférence, et un ordinateur a déjà gagné a un jeu de questions de culture générale. La qualité est discutable, mais c’est un début. Je doute qu’un algo­rithme puisse écrire le prochaine Murakami, mais le prochain Gérard de Villiers ? Un premier algorithme pour changer le style d’écriture a été publié ce Noël. Le but, dans ce cas précis, est de garder l’anonymat de l’auteur, mais on peut imaginer d’autres applications. Peut-être qu’un algorithme pourrait réécrire Proust dans un style moins barbant ? Est-ce que ce texte serait une œuvre dérivée ? Pourquoi ai-je besoin d’un éditeur si un algorithme peut sélectionner un livre pour moi en se basant sur mes préférences au lieu de ses à-prioris.

Je ne pense pas que la grande distribution aura encore beaucoup de temps pour nuire à l’édition. Les changements qui vont venir dans les dix prochaines années vont remettre en cause à peu près toutes les notions du monde littéraire : qu’est ce qu’un livre, un auteur, un éditeur. Je ne sais même plus s’il y a encore des CDs dans mon super-marché, une chose est sûre, ce n’est pas ça qui a mis sans dessus-dessous le monde de la musique…

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