À propos du sol

Récemment, j’ai vu passer différents articles sur la disparition des terres arables. Si c’est un phénomène très fâcheux, surtout lorsque les terres sont empoisonnées avec des métaux lourds. Le mot souvent employé dans les articles était irréversible. J’ai trouvé ça étrange, vu que je me souviens avoir appris à l’école comment faire de la terre arable : mélanger du sable, de l’argile, du calcaire et de l’humus. La question que je me pose c’est combien de terre peut-être produite. Le sable, l’argile, et le calcaire semblent simple à se procurer, l’humus est plus problématique.

En France, chaque habitant produit 360 kg de déchets par an. Sur cette masse, 28.8 % est compostable. Avec 65 millions d’habitants, cela nous fait donc à peu près 6.7 méga-tonnes d’humus par an. Une terre riche contient 10 % d’humus, cela nous donne donc 67 méga-tonnes de terre par an, la densité de la terre est de 1250 kg/m³, donc cela nous donne 54’000’000 m³ de sol. Il y a 550’000’000 m² de terre arable en France. On pourrait donc ajouter environ 9 cm de terre à tous les champs. Clairement une telle opérations demanderait un recyclage efficace (je n’ai pris en compte ici que les déchets organiques issus des particuliers, je soupçonne que l’agriculture et l’industrie en produisent aussi en quantité significatives), mais aussi une sérieuse dépense d’énergie (il faut déplacer toute cette matière), mais on est loin de la situation où il faut attendre entre 200 et 1000 pour obtenir 2.5 cm de sol.

13 thoughts on “À propos du sol”

  1. Très joli calcul, j’adore.

    Pour modérer un peu :
    La densité de la terre, c’est pas plutôt 1250g/L ou 1250kg/m³ ? Il y a donc un facteur 1000.
    Dans les déchets organiques, il y a énormément d’eau qui sera perdu.

    Par contre, en utilisant des toilettes sèches, et en compostant notre merde, on peut encore récupérer pas mal de déchets organiques.

  2. Effectivement, c’était une typo, mais normalement les calculs reste justes (je me suis trompé en convertissant les unités en format humain, pas dans le calcul). Même en imaginant que le 90% des déchets organiques est de l’eau, on aurait quand même de quoi faire 1cm par an, et effectivement, les humains produisent aussi de la matière organique, environ 70kg par an, ce qui double pratiquement la quantité de terre…

  3. Dire que la disparition des terres arables est irréversible est une affirmation erronée que l’on entend effectivement souvent. Je me demande pourquoi et si cette fausse information n’est pas diffusée sciemment (sans vouloir verser dans la théorie du complot), car elle permettrait – entre autres – d’excuser les échecs répétés de l’aide humanitaire à rendre autonomes les populations qu’elle soutient (ce qui n’est pas le but, de toute façon, puisque notre société a besoin d’esclaves quelque part).

    Dans le film “Solutions locales pour désordre global” de Coline Serreau, on apprend que l’humus peut se recréer même sur des terres mortes, qu’il s’agisse de déserts ou de terres détruites par l’agriculture intensive. Cela avec des moyens techniques limités, qui ne représentent donc aucun intérêt commercial.

  4. Je m’élève en faux contre ton assertion: “Le sable, l’argile, et le calcaire semblent simple à se procurer”. Ils sont largement présents dans les sous-sols sédimentaires, c’est vrai. Mais encore faut-il les exploiter, ce qui est de moins en moins évident pour des raisons de compétition sur l’occupation de l’espace (en gros urbanisation s.l., agriculture et sylviculture) et de phénomène NIMBY.

    Histoire de mettre tes chiffres en abîmes, il faut considérer que la France produit annuelle 160 millions de tonnes de sable. Clairement, on n’est pas dans le même ordre de grandeur! À moins d’accepter la prolifération de carrières de sable, argile, calcaire et autres marnes près de chez soi… Sans compter que les sols naturels les plus fertiles sont généralement sus-jacent à des sous-sols meubles, qui sont ceux dont on aurait besoin.

    Ensuite, comme tu le remarques judicieusement, il faut encore évaluer le coût énergétique et salarial qu’induirait une telle opération:
    – extraction des matières premières;
    – récolte des déchets organiques;
    – transports vers le lieux de mélange (matières premières et déchets);
    – stockage des matières premières + déchets;
    – mélange des matières premières + déchets;
    – ensemencement et activation biologique (pour obtenir un sol mature, immature il ne pourrait servir à l’agriculture et la sylviculture);
    – transport du sol jusqu’au lieu d’épandage;
    – épandage du sol;
    – ensemencement.

    Dès lors se pose la question de l’impact de ce coût sur le prix des matières premières “vivantes” (légumes, plantes, bois, viandes, produits laitiers, etc.).

  5. Les terres arables je sais pas, mais les forêts tropicales abattues qui ne protègent plus un sol lessivé en quelques années, ça se voit en Amazonie ou à Madagascar.

    En France on doit pouvoir reconstituer des terres arables (mais les champs autour de chez moi font plus que 1 cm de terre), mais dans ces pays où la pluie lessive le sol ? Le combat promet.

  6. @Acritarche, d’où est ce que tu sors ce chiffre de 160 méga-tonnes par an? Selon ce site, http://www.indexmundi.com/en/commodities/minerals/silica/silica_t11.html
    la France produit 5M m³ de sable par an, ce qui nous donne une masse de 8 Mtonne.
    Mon calcul est pour un cas extrême: faire en une année, ce qui normalement prendrait entre 800 et 4000 ans. Le but était surtout de voir si c’était possible. Cela dit, si on prend un ⅓ de sable, et une étale le plan sur dix ans, il faudrait 2 méga-tonnes par an, soit 25% de la production. Pour l’énergie dépensée pour le transport de 6 méga-tonnes de terre, elle serait du même ordre de magnitude que celle dépensée pour déplacer chaque année les 5 méga-tonnes de sables produite en France.

    Pour les coûts économiques, je poserais l’équation dans l’autre sens: quel serait le coût de ne pas enrichir les sols? Entre le prix de l’énergie qui augmente, la population qui augmente et la quantité de terres arables qui diminue, le prix de la nourriture va méchamment augmenter. Enrichir les sols deviendra nécessaire et rentable.

    Le coût de la récolte des déchets est déjà présent (les collectivités doivent déjà les enlever et s’en débarrasser), ils ont déjà une valeur (la suisse achète des déchets pour en faire de l’énergie). Plus les autres composants des déchets (plastique, verre, papier, métaux, terres rares) prendront en valeur, plus il sera intéressant de trier les déchets. Enfin les coûts de stockage et de transport peuvent être diminués en les combinant, si cette terre doit vieillir de toute manière, on peut la transporter plus lentement, typiquement par voie fluviale…

    @Krysztof Je suis d’accord que cette discussion ne porte que pour des pays Européens, les zones équatoriales sont une autre paire de manches…

  7. Je crois que j’ai commis une erreur dans le calcul de mon précédent commentaire: je n’ai pas changé le chiffre pour la conversion en tonnes. Merci de corriger.

  8. Il y a aussi tous ceux qui disent que les décharges d’hier (voire d’aujourd’hui…) sont les mines de demain. Les métaux, le carbone non fossile, un peu tout qui prend de la valeur, les technologies de tri et filtrage qui progressent… feront peut-être la fortune d’une nouvelle espèce de mineurs.

  9. Sur le chantier du nouveau tunnel de base pour le Gotthard, le sable nécessaire pour les 5 méga-tonnes de béton nécessaire ont été produite sur place à partir des roches extraites de la montagne, une autre forme de recyclage…

  10. Si tu pouvais me renvoyer mon précédent commentaire par mail, je corrigerai moi-même avant de (re)poster.

    acritarche_CHEZ_me.com

  11. Le chiffre de 160 Mt/a vient du rapport 2010 de l’Union Nationale des Producteurs de Granulats. À savoir:
    141 Mt de roches alluvionnaires
    + 10% de la production des roches dures (sable issus des activités de concassage et criblage): 20Mt.

    Bon, dans ce calcul, j’ai commis une erreur, il faut en retirer les roches alluvionnaires (galets) et marines. On obtient alors 20 Mt + 21 Mt. Bien plus que les 8 Mt qu’annonce ton site.

    Dans ton hypothèse d’étalement sur 10 ans, on arrive donc à 5% de la production annuelle, ce qui n’est pas un accroissement ingérable par les entreprises.

    Je nuancerai aussi ton assertion de travailler en flux tendu. Cela sera assez difficile étant donné que l’épandage de sol recyclé ne se fera pas en continu mais en deux ou trois campagnes annuelles (avant les semis, après récolte et avant hiver). Difficile, mais pas impossible, surtout si ce nouveau marché permet de valoriser des marnes et sables argileux de découverture et généralement aujourd’hui envoyée en backfilling (remplissage de zones inusitées des carrières).

    Quant à la maturation biologique des sols recyclés, je ne pense pas que cela pourra se faire au travers de l’utilisation de mode de transport doux (fleuve). Premièrement parce que le temps de maturation demande plusieurs semaines, voire mois, ce qui est supérieur au temps de transport. En même temps, l’épandage après récolte ou avant hiver permet d’envisager un ensemencement biologique et une maturation in situ.

    Bref, l’idée me semble pertinente mais demandera des adaptations pour sa mise en pratique.

    En sans vouloir polémiquer stérilement sur le coût, n’oublions pas que c’est le consommateur final qui le paiera, démultiplié par les marges des intermédiaires de la distribution. Ce sera donc lui qui permettra in fine à une filière “artificielle” de régénération des sols de voir le jour. En même temps, je suis persuadé, comme toi, que le coût final de ne rien faire serait, plus que probablement, bien supérieur.

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