Le dernier livre de Nicolas Bouvier que j’ai lu, le poisson-scorpion, a été le premier de ses livres à connaître un certain succès. Il fait logiquement suite à L’Usage du Monde : l’auteur arrive à Ceylan après avoir traversé l’Afghanistan, l’Iran et la Turquie et l’Europe de l’Est. Ici le voyage s’arrête, et la maladie commence.
Comme le dit mieux que moi Alias dans son billet sur ce roman, au fur et à mesure que l’auteur tombe malade, le monde du roman se peuple d’insectes, de sorciers, de fantômes, tout en gardant une façade de réalité. Paradoxalement, ce roman m’a paru plus réaliste que l’Usage du Monde. La raison, je pense, c’est un style plus affiné, plus efficace. Si le style est indubitablement celui de Bouvier, j’ai trouvé l’écriture plus polie, plus aiguisée, on sent que sa rédaction est plus tardive, plus intense, clairement une forme d’exorcisme.
Un jeune scorpion ivre vient d’entrer chez moi, ivre d’humide, trempé jusqu’au venin, s’époumonant en circuits inutiles. Mousson du Nord-Ouest. Tout mon bestiaire est saisi d’ébriété : ce ne sont que pinces et dard qui s’ébrouent dans les crevasses et fissures de ma chambre.
Nicolas Bouvier
Folio
ISBN : 978-2-07-039495-1
Le poisson-scorpion est un roman plutôt court, et il se lit vite, d’une lecture très agréable : un mélange de dépaysement exotique, de voyage intime et de fantastique. Je le recommande chaudement.
C’est probablement le plus bizarre des bouquins qu’a écrit Nicolas Bouvier. À l’époque, je l’avais qualifié de rêve de fièvre.
Bouvier lui-même dit, dans des entretiens, que s’il était resté plus longtemps dans l’île, il y serait sans doute mort.