À propos de l’hyper-espace

L’hyper-espace est un de ces éléments consensuels qu’on retrouve dans la plupart des textes de science fiction dès le moment où la question du voyage entre systèmes solaires dans des temps raisonnables se pose. Le but étant en général d’éviter de parler du voyage, le sujet se résume en général a une technologie aussi complexe qu’absconse généralement comprise par une vague élite mathématique. Bref un sujet qui ne mérite pas qu’on s’y attarde si on veut faire avancer l’histoire.

C’est peut-être une bonne chose, car souvent lorsqu’un auteur essaye d’expliquer quelque chose comme l’hyper-espace, on se retrouve en général avec des théorie qui n’avancent en général ni l’histoire ni la culture du lecteur en matière de physique. La meilleure approche, à mon avis, est celle suivie par exemple par Loris Mc Master Bujold dans le cycle de Barayar: l’hyper-espace n’est pas expliqué, mais sa structure et surtout ses irrégularités servent de base à des scénarios: certains systèmes sont stratégiques du fait que des routes passent par ce système, alors que d’autres sont des culs de sacs. Cela offre en outre un avantage au niveau de la compréhension: un graphe est simple à dessiner et à comprendre, contrairement à un espace en trois dimensionnel. Sans l’aide d’un ordinateur, faire une carte en trois dimensions compréhensible aisément est très difficile.

La question qui se pose pour un jeu de rôle de science-fiction est: quelle sorte d’hyper-espace est désirable. Le but est d’avoir quelque chose qui ne soit pas une cause de casse tête pour le maître de jeu et offre en outre un maximum d’opportunités d’histoire. Un hyper-espace ou les sauts sont instantanés et sans surprise est donc à proscrire. L’espace est déjà fondamentalement vide, alors ce serait dommage d’avoir un hyper-espace tout aussi vide.

L’hyper-espace est assez naturellement la zone inconnue et mystérieuse d’un monde de science fiction, là ou des choses bizarres se passent. L’endroit ou il est écrit hic sunt leones, l’espace entre les univers ou se terrent des choses mystérieuses et irrationelles. De même l’hyper-espace doit-être un univers ou le maître de jeu à les coudées franches. Les univers de science fiction offrent souvent beaucoup de moyens aux personnages joueurs ce qui rend la tâche du narrateur assez compliquée. Un concept sympathique pour l’hyper-espace se trouve dans le jeu de rôle “Empire Galactique”. Dans cette version, les instruments automatiques ne peuvent capter ce qui se trouve dans l’hyper-espace, c’est par leur esprit que les pilotes naviguent. Si la plupart captent l’hyper-espace via leur vue, d’autres le font par l’ouïe ou même l’odorat ou le toucher. L’hyper-espace est habité de créatures aussi étranges qu’incompréhensibles. Si cette vision de l’hyper-espace est très intéressante, elle a néanmoins quelques désavantages pour un jeu de rôle. Le premier, est que s’il est incompréhensible, il n’est pas réellement mystérieux. À force de faire des descriptions de cathédrales cristallines au goût de menthe, le maître de jeu aura certes dépaysé les joueurs, mais à trop raconter on casse le mystère et le fait de devoir traduire dans différents sens est un exercice assidu qui finit par fatiguer. Sans parler de la visualisation par les joueurs. Bref l’exercice devient trop intellectuel.

Un autre problème d’Empire Galactique c’est que l’hyper-espace reste géométriquement semblable à l’espace normal. Donc le temps de voyage par via l’hyper-espace est proportionnel à la distance dans l’espace normal et on se retrouve avec une carte avec des coordonnées. Même en passant à la trappe la 3ème dimension cela reste somme toute peu ludique. Les coordonnées sont peut-être amusantes pour jouer à la bataille navale, mais pas pour décrire un univers.

L’autre problème d’un hyper-espace qui a la même forme que l’espace normal, c’est qu’il est impossible d’avoir des systèmes solaires mystérieux renfermant des planètes inconnues. Si la position dans l’espace réel suffit à faire un saut hyper-spatial, comme diable une planète peut-elle être perdue? Même en imaginant que l’on perde les coordonnées du système stellaire (ce qui est somme toute improbable), il suffit de regarder l’espace avec un téléscope pour pouvoir les recalculer. Dans de telles conditions une planète perdue est aussi crédible que des gens de Calais qui oublient où se trouve l’Angleterre.

Pourtant les planète perdues sont un élément commun de nombreux univers de science fiction, car cela offre de nombreuses possibilités d’histoires. Il serait donc dommage de s’en priver. Là encore, l’univers d’Empire Galactique offrait une solution qui consistait à avoir une des entités de l’hyper-espace qui bloque l’accès à un système, cela reste néanmoins quelque chose de ponctuel, car à moins d’utiliser ces créatures comme des montagnes hyper-spatiales, ce qui deviendrait rapidement très lourd le narrateur ne peut pas réellement contrôler la structure de l’hyper-espace.

Du point de vue ludique, mon modèle hyper-spatial idéal serait donc quelque chose comme cela:

  • Habité – pas obligatoirement par quelque chose de défini, mais définitivement pas vide. Je pense que quelque chose de mystérieux et mal défini serait plus approprié, décrire l’écologie et la société des choses de l’hyper-espace me semble un peu futile.
  • Structuré – que je puisse représenter les routes et les sauts de manière graphique, sans devoir me préoccuper de coordonnées et de calculs de distance. Bref un modèle qui me permette de faire la carte avec papier crayon.
  • Changeant – la difficulté d’un saut hyper-spatial dépend de beaucoup de variables. Un saut sans aide est dangereux, et les aides sont soit délicates (des balises qui peuvent être détruites ou sabotées par des pirates) ou n’aident pas à l’exploration (si les étoiles géantes aident aux sauts, cela n’aidera pas trop pour trouver des planètes habitables).
  • Délicat – Le commerce nécessite des routes établies, ce qui implique des actions d’entretien des routes (balises) et des missions d’exploration (pour trouver les facteurs de correction de saut par exemple).
  • Le principal problème d’une telle approche c’est qu’elle requiert un peu plus de travail que le simple saut sans question ni problème et ne permet pas non plus de faire de grosse discussion philosophiques sur la nature de l’univers

11 thoughts on “À propos de l’hyper-espace”

  1. La vision poétique proposée dans Empire Galactique est similaire à celle des romans de John Varley (il me semble) et de Cordwainer Smith. J’attire l’attention du public sur le cycle des “Seigneurs de l’Instrumentalité” où apparaissent également les prémisses de la drogue d’immortalité façon Epice, sauf que là ça s’appelle le stroon.

    Et puis dans le genre McMaster-Bujold, David Weber, l’auteur du cycle de Honor Harrington, pas le néobarb amateur de fourmis, défini assez clairement l’hyper-espace et comment est-ce que ça fonctionne. Mais là, c’est pour des raisons tactiques, ce qui est assez chouette.

  2. En fait, concernant l’inspiration de Varley d’Empire Galactique, cela ne me semble pas très étonnant, vu que les moteurs hyper spatiaux sont appellés des moteurs Varlet

  3. Oui hein ? :) Mais ça n’empêche pas que je n’ai pas encore lu, donc doute (je suis un auto-saint-thomas).
    Et puis Ursula LeGuin doit aussi être impliquée qlq part.

  4. Je ne sais pas ce que vous pensez aussi de l’hyperespace, façon Babylon 5: le plus difficile étant semble-t-il d’y entrer, c’est pourquoi il y a des portails pour les petits vaisseaux (les gros vaisseaux peuvent ouvrir leurs propres portes). Il n’y a pas à proprement parler de faune locale, mais des vaisseaux s’y perdent; je ne sais plus si c’est expliqué pourquoi, mais je suppose qu’il doit y avoir des routes pré-établies et qu’il est dangereux de s’en écarter, la nature de l’endroit faisant que s’y repérer “normalement” est difficile.

  5. Ben en fait, le seul truc un peu différente de Babylon 5, ce sont les portes. Mais comme tu le dis, elles ne sont pas nécessaires pour les gros vaisseaux, donc cela implique surtout que les petit vaisseaux ne sont pas capable de faire des sauts, et on besoin d’une infrastructure. Dans ce sens, ce n’est pas très différent des vaisseaux sauteurs de Dune.
    Si des vaisseaux se perdent dans l’HE de Babylon 5, il n’y a pas de scénario qui a lieu dans l’HE ou alors je ne l’ai pas vu. Par contre, l’existence de route confirme ce que je pense, c’est beaucoup plus simple d’exprimer quelque chose en terme de routes que de coordonnées – bon je n’ai jamais vu de carte de l’univers de B5 que ce soit dans l’un ou l’autre format, mais bon.

  6. Sinon l’HE est un arbre géant et on se balade le long des branches… Non ?

    Pour mon space op, j’ai mis des gates, des points de saut naturels (nexus) et du pédalo pour les régions intermédiaires. Le pédalo peut être du “channel driving” pour l’immense majorité des engins, avec une hyper-limite liée au type d’étoile du système, ou alors du “point driving” qui permet de créer un nexus temporaire et de naviguer dans l’espace au millimètre près. J’ai aussi du “pseudo driving”, mais c’est un ressort de l’intrigue de ma campagne et je n’en parlerai pas.

  7. C’est pas tellement un arbre, plutôt un graphe. En fait, mon idée était que les sauts vers les endroits remarquables trou noir, géante bleu, soient facile, mais que ce soit difficile sans facteurs de correction / balise pour rejoindre une étoile jaune (i.e habitable).

  8. J’aimais bien en fait une idée que tu avais développée un temps pour l’hyperespace de Tigres Volants, qui est que le facteur déterminant est de quelle distance on s’éloigne de l’espace normal.

    En gros, si je me souviens bien, plus on part en profondeur dans l’hyperespace, plus on va vite (loin, surtout), mais moins c’est précis et plus les risques de babioles anecdotiques (genre, se faire manger par un bidule non-euclidien) augmentent.

    Les “sauts de puce” sont très précis, mais par contre nécessitent beaucou plus de temps.

  9. Très intéressant tout ça !
    Juste pour ajouter à la liste des modèles existants, vous connaissez celui de Freespace ?
    Il est vraiment pas mal, avec un “node” dans chaque système solaire, qu’on peut emprunter pour aller dans n’importe quel système limitrophe (ie dont le node est relié à ce node). On obtient une sorte de toile d’araignée stellaire. N’importe quel vaisseau doit les emprunter, pas d’autre moyen. Par contre les petits vaisseaux (ie chasseurs) peuvent faire des sauts intra-système.
    En tout cas ça correspond exactement à ton attente de cartographie de l’hyperspace (note : dans Freespace ça s’appelle le subespace…y a toute une explication (pseudo) scientifique mais je l’ai pas retenue…) avec des nodes qu’on peut bloquer, barricader… bref ça fonctionne vraiment comme des routes, des noeuds ferroviaires. Côté stratégie, c’est bien. On peut même détruire un node en faisant exploser un gros vaisseau bourré d’explosifs dans le subespace (c’est comme ça qu’à la fin de Freespace 1 la Terre est coupée du reste de l’univers).

  10. si je me rapelles bien l’explication des nodes de free space c’est que le node crée le chemin hyperspacial et se connecte automatiquement au node le plus proche (ou quelque chose dans ce goût là). On s’en sert pour entrer dans l’hyper espace mais aussi pour en sortir. Je penses que c’est basé sur le principe des worms holes.

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